J’ai même entre mes mains un assez bon otage,
Pour faire mes traités avec quelque avantage.
Cependant vous pourriez, pour votre heur et le mien,
Ne parler pas si haut à qui ne vous dit rien.
Ces menaces en l’air vous donnent trop de peine.
Après ce que j’ai fait, laissez faire la reine ;
Et sans blâmer des vœux qui ne vont point à vous,
Songez à regagner le cœur de votre époux.
Viriate
Oui, Madame, en effet c’est à moi de répondre,
Et mon silence ingrat a droit de me confondre.
Ce généreux exploit, ces nobles sentiments
Méritent de ma part de hauts remercîments :
Les différer encor, c’est lui faire injustice.
Il m’a rendu sans doute un signalé service ;
Mais il n’en sait encor la grandeur qu’à demi :
Le grand Sertorius fut son parfait ami.
Apprenez-le, Seigneur (car je me persuade
Que nous devons ce titre à votre nouveau grade ;
Et pour le peu de temps qu’il pourra vous durer,
Il me coûtera peu de vous le déférer) :
Sachez donc que pour vous il osa me déplaire,
Ce héros ; qu’il osa mériter ma colère ;
Que malgré son amour, que malgré mon courroux,
Il a fait tous efforts pour me donner à vous ;
Et qu’à moins qu’il vous plût lui rendre sa parole,
Tout mon dessein n’était qu’une atteinte frivole ;
Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 6.djvu/451
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