Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 6.djvu/508

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Je n’aurois plus de lieu d’aucune inquiétude,
N’étoit que je ne puis sortir d’ingratitude,
525Et que dans mon bonheur il n’est pas bien en moi
De m’acquitter jamais de ce que je vous doi.
––Les forces qu’en mes mains vos bontés ont remises
Vous ont laissée en proie à de lâches surprises,
Et me rendoient ailleurs ce qu’on m’avoit ôté,
530Tandis qu’on vous ôtoit et sceptre et liberté.
Ma première victoire a fait votre esclavage ;
Celle-ci, qui le brise, est encor votre ouvrage ;
Mes bons destins par vous ont eu tout leur effet,
Et je suis seulement ce que vous m’avez fait.
535Que peut donc tout l’effort de ma reconnoissance,
Lorsque je tiens de vous ma gloire et ma puissance ?
Et que vous puis-je offrir que votre propre bien,
Quand je vous offrirai votre sceptre et le mien ?

Éryxe
Quoi qu’on puisse devoir, aisément on s’acquitte,
540Seigneur, quand on se donne avec tant de mérite :
C’est un rare présent qu’un véritable roi,
Qu’a rendu sa victoire enfin digne de moi.
Si dans quelques malheurs pour vous je suis tombée,
Nous pourrons en parler un jour dans Hyarbée,
545Lorsqu’on nous y verra dans un rang souverain,
La couronne à la tête, et le sceptre à la main.
Ici nous ne savons encor ce que nous sommes :
Je tiens tout fort douteux tant qu’il dépend des hommes,
Et n’ose m’assurer que nos amis jaloux
550Consentent l’union de deux trônes en nous.