Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 6.djvu/530

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Me les promettiez-vous, alors qu’à ma défaite
Vous montriez dans Cyrthe une sûre retraite,
Et qu’outre le secours de votre général
Vous me vantiez celui d’Hannon et d’Annibal ?
Pour vous avoir trop crue, hélas ! et trop aimée,
1070Je me vois sans États, je me vois sans armée ;
Et par l’indignité d’un soudain changement,
La cause de ma chute en fait l’accablement.

Sophonisbe
Puisque je vous montrois dans Cyrthe une retraite,
Vous deviez vous y rendre après votre défaite :
1075S’il eût fallu périr sous un fameux débris,
Je l’eusse appris de vous, ou je vous l’eusse appris,
Moi qui, sans m’ébranler du sort de deux batailles,
Venois de m’enfermer exprès dans ces murailles,
Prête à souffrir un siége, et soutenir pour vous
1080Quoi que du ciel injuste eût osé le courroux.
––Pour mettre en sûreté quelques restes de vie,
Vous avez du triomphe accepté l’infamie ;
Et ce peuple déçu qui vous tendoit les mains
N’a revu dans son roi qu’un captif des Romains.
1085Vos fers, en leur faveur plus forts que leurs cohortes,
Ont abattu les cœurs, ont fait ouvrir les portes,
Et réduit votre femme à la nécessité
De chercher tous moyens d’en fuir l’indignité,