Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 6.djvu/540

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Ce don pour tout effet n’eut qu’un lâche abandon.
Dès que Syphax parut, cet amour sans puissance…

Massinisse
J’étois lors en Espagne, et durant mon absence
Carthage la força d’accepter ce parti ;
Mais à présent Carthage en a le démenti.
1285En reprenant mon bien j’ai détruit son ouvrage,
Et vous fais dès ici triompher de Carthage.

Lélius
Commencer avant nous un triomphe si haut,
Seigneur, c’est la braver un peu plus qu’il ne faut,
Et mettre entre elle et Rome une étrange balance,
1290Que de confondre ainsi l’une et l’autre alliance,
Notre ami tout ensemble et gendre d’Asdrubal.
Croyez-moi, ces deux noms s’accordent assez mal ;
Et quelque grand dessein que puisse être le vôtre,
Vous ne pourrez longtemps conserver l’un et l’autre.
1295––Ne vous figurez point qu’une telle moitié
Soit jamais compatible avec notre amitié,
Ni que nous attendions que le même artifice
Qui nous ôta Syphax nous vole Massinisse.
Nous aimons nos amis, et même en dépit d’eux
1300Nous savons les tirer de ces pas dangereux.
Ne nous forcez à rien qui vous puisse déplaire.

Massinisse
Ne m’ordonnez donc rien que je ne puisse faire ;
Et montrez cette ardeur de servir vos amis,
À tenir hautement ce qu’on leur a promis.
1305Du consul et de vous j’ai la parole expresse ;
Et ce grand jour a fait que tout obstacle cesse.