Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 6.djvu/606

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390Et regardant son change ainsi que mon ouvrage,
J’y prends un intérêt qui n’a rien de jaloux :
Qu’on l’accepte, qu’il règne, et tout m’en sera doux.

FLAVIE.

J’en doute ; et rarement une flamme si forte
Souffre qu’à notre gré ses ardeurs…

PLAUTINE.

Souffre qu’à notre gré ses ardeurs… Que t’importe ?
395Laisse-m’en le hasard ; et sans dissimuler,
Dis de quelle manière il a su lui parler.

FLAVIE.

N’imputez donc qu’à vous si votre âme inquiète
En ressent malgré moi quelque gêne secrète.
Othon à la princesse a fait un compliment,
400Plus en homme de cour qu’en véritable amant.
Son éloquence accorte, enchaînant avec grâce
L’excuse du silence à celle de l’audace,
En termes trop choisis accusoit le respect
D’avoir tant retardé cet hommage suspect.
405Ses gestes concertés, ses regards de mesure
N’y laissoient aucun mot aller à l’aventure :
On ne voyoit que pompe en tout ce qu’il peignoit ;
Jusque dans ses soupirs la justesse régnoit,
Et suivoit pas à pas un effort de mémoire
410Qu’il étoit plus aisé d’admirer que de croire.
Camille sembloit même assez de cet avis ;
Elle auroit mieux goûté des discours moins suivis :
Je l’ai vu dans ses yeux ; mais cette défiance
Avoit avec son cœur trop peu d’intelligence.
415De ses justes soupçons ses souhaits indignés
Les ont tout aussitôt détruits ou dédaignés :
Elle a voulu tout croire ; et quelque retenue
Qu’ait su garder l’amour dont elle est prévenue,
On a vu, par ce peu qu’il laissait échapper,