Il faut vous voir mourir et m’en savoir la cause !
Je ne vous dirai point que ce moment m’est doux.
Il met à trop haut prix ce qu’il me rend de vous ;
Et votre souvenir m’auroit bien su défendre
De tout ce qu’un tyran auroit osé prétendre.
N’attendez point de moi de soupirs ni de pleurs :
Ce sont amusements de légères douleurs.
L’amour que j’ai pour vous hait ces molles bassesses
Où d’un sexe craintif descendent les faiblesses ;
Et contre vos malheurs j’ai trop su m’affermir,
Pour ne dédaigner pas l’usage de gémir.
D’un déplaisir si grand la noble violence
Se résout toute entière en ardeur de vengeance,
Et méprisant l’éclat, porte tout son effort
À sauver votre vie, ou venger votre mort.
Je ferai l’un ou l’autre, ou périrai moi-même.
Vous avez assez fait pour moi, pour votre honneur ;
Il est temps de tourner du côté du bonheur,
De ne plus embrasser des destins trop sévères,
Et de laisser finir mes jours et vos misères.
Le ciel, qui vous destine à régner en ces lieux,
M’accorde au moins le bien de mourir à vos yeux.
J’aime à lui voir briser une importune chaîne
De qui les nœuds rompus vous font heureuse reine ;
Et sous votre destin je veux bien succomber,
Pour remettre en vos mains ce que j’en fis tomber.
Est-ce là donc, Seigneur, la digne récompense[1]
De ce que pour votre ombre on m’a vu de constance ?
- ↑ Var. Est-ce là donc le prix de cette résistance
Que pour ton ombre seule a rendu ma constance ?
Quand je t’ai cru sans vie, et qu’un si grand vainqueur. (1653-56)