Quel bonheur peut dépendre ici d’un misérable
Qu’après tant de faveurs son amour même accable ?
Puis-je encor quelque chose en l’état où je suis ?
Vous pouvez m’épargner d’assez rudes ennuis.
N’épousez point Mandane[1] : exprès on l’a mandée ;
Mon chagrin, mes soupçons m’en ont persuadée.
N’ajoutez point, Seigneur, à des malheurs si grands
Celui de vous unir au sang de mes tyrans ;
De remettre en leurs mains[2] le seul bien qui me reste,
Votre cœur : un tel don me seroit trop funeste.
Je veux qu’il me demeure, et malgré votre roi,
Disposer d’une main qui ne peut être à moi.
Aveugle pour Mandane, aveugle pour toute autre[3],
Comme je n’ai plus d’yeux vers elles à tourner,
Je n’ai plus ni de cœur ni de main à donner.
Je vous aime et vous perds. Après cela, Madame,
Seroit-il quelque hymen que pût souffrir mon âme ?
Seroit-il quelques nœuds où se pût attacher
Le bonheur d’un amant qui vous étoit si cher,
Et qu’à force d’amour vous rendez incapable
De trouver sous le ciel quelque chose d’aimable ?
À la postérité vous devez des neveux ;
Et ces illustres morts dont vous tenez la place