Page:Corneille, Pierre - Œuvres, Marty-Laveaux, 1862, tome 7.djvu/488

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Ont assez mérité de revivre en leur race :
Je ne veux pas l’éteindre, et tiendrois à forfait
300Qu’il m’en fût échappé le plus léger souhait.

SURÉNA.

Que tout meure avec moi, Madame : que m’importe
Qui foule après ma mort la terre qui me porte ?
Sentiront-ils percer par un éclat nouveau,
Ces illustres aïeux, la nuit de leur tombeau ?
305Respireront-ils l’air où les feront revivre
Ces neveux qui peut-être auront peine à les suivre,
Peut-être ne feront que les déshonorer,
Et n’en auront le sang que pour dégénérer ?
Quand nous avons perdu le jour qui nous éclaire,
310Cette sorte de vie est bien imaginaire,
Et le moindre moment d’un bonheur souhaité
Vaut mieux qu’une si froide et vaine éternité.

EURYDICE.

Non, non, je suis jalouse ; et mon impatience
D’affranchir mon amour de toute défiance,
315Tant que je vous verrai maître de votre foi,
La croira réservée aux volontés du Roi :
Mandane aura toujours un plein droit de vous plaire ;
Ce sera l’épouser que de le pouvoir faire ;
Et ma haine sans cesse aura de quoi trembler,
320Tant que par là mes maux pourront se redoubler.
Il faut qu’un autre hymen me mette en assurance.
N’y portez, s’il se peut, que de l’indifférence ;
Mais par de nouveaux feux dussiez-vous me trahir,
Je veux que vous aimiez afin de m’obéir ;
325Je veux que ce grand choix soit mon dernier ouvrage,
Qu’il tienne lieu vers moi d’un éternel hommage,
Que mon ordre le règle, et qu’on me voie enfin
Reine de votre cœur et de votre destin ;
Que Mandane, en dépit de l’espoir qu’on lui donne,