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- Ce même choix du roi vous y donne sa place ;
- N’exigez rien de plus : je ne sais point haïr ;
- Je ne sais point aimer, mais je sais obéir :
- Je sais porter ce cœur à tout ce qu’on m’ordonne,
- Il suit aveuglément la main qui vous le donne ;
- De sorte, grand héros, qu’après le choix du roi,
- Ce que vous demandez est plus à vous qu’à moi.
PERSÉE
- Que je puisse abuser ainsi de sa puissance !
- Hasarder vos plaisirs sur votre obéissance !
- Et de libérateur de vos rares beautés
- M’élever en tyran dessus vos volontés !
- Princesse, mon bonheur vous aurait mal servie,
- S’il vous faisait esclave en vous rendant la vie ;
- Et s’il n’avait sauvé des jours si précieux
- Que pour les attacher sous un joug odieux.
- C’est aux courages bas, c’est aux amants vulgaires,
- À faire agir pour eux l’autorité des pères.
- Souffrez à mon amour des chemins différents.
- J’ai vu parler pour moi les dieux et vos parents ;
- Je sens que mon espoir s’enfle de leur suffrage ;
- Mais je n’en veux enfin tirer autre avantage
- Que de pouvoir ici faire hommage à vos yeux
- Du choix de vos parents, et du vouloir des dieux.
- Ils vous donnent à moi, je vous rends à vous-même ;
- Et comme enfin c’est vous et non pas moi que j’aime,
- J’aime mieux m’exposer à perdre un bien si doux
- Que de vous obtenir d’un autre que de vous.
- Je garde cet espoir, et hasarde le reste,
- Et, me soit votre choix ou propice ou funeste,
- Je bénirai l’arrêt qu’en feront vos désirs,
- Si ma mort vous épargne un peu de déplaisirs.
- Remplissez mon espoir ou trompez mon attente,
- Je mourrai sans regret, si vous vivez contente ;
- Et mon trépas n’aura que d’aimables moments,
- S’il vous ôte un obstacle à vos contentements.
ANDROMÈDE
- C’est trop d’être vainqueur dans la même journée
- Et de ma retenue et de ma destinée.
- Après que par le roi vos vœux sont exaucés,
- Vous parler d’obéir c’était vous dire assez :
- Mais vous voulez douter, afin que je m’explique,
- Et que votre victoire en devienne publique.
- Sachez donc...
PERSÉE
- Non, madame : où j’ai tant d’intérêt,
- Ce n’est pas devant moi qu’il faut faire l’arrêt.
- L’excès de vos bontés pourrait en ma présence
- Faire à vos sentiments un peu de violence ;
- Ce bras vainqueur du monstre, et qui vous rend le jour,
- Pourrait en ma faveur séduire votre amour ;
- La pitié de mes maux pourrait même surprendre
- Ce cœur trop généreux pour s’en vouloir défendre ;
- Et le moyen qu’un cœur ou séduit ou surpris
- Fût juste en ses faveurs, ou juste en ses mépris ?
- De tout ce que j’ai fait ne voyez que ma flamme,
- De tout ce qu’on vous dit ne croyez que votre âme ;
- Ne me répondez point, et consultez-la bien ;
- Faites votre bonheur sans aucun soin du mien :
- Je lui voudrais du mal s’il retranchait du vôtre,
- S’il vous pouvait coûter un soupir pour quelque autre,
- Et si, quittant pour moi quelques destins meilleurs,
- Votre devoir laissait votre tendresse ailleurs.
- Je vous le dis encor dans ma plus douce attente,
- Je mourrai trop content, si vous vivez contente,
- Et si, l’heur de ma vie ayant sauvé vos jours,
- La gloire de ma mort assure vos amours.
- Adieu. Je vais attendre ou triomphe ou supplice,
- L’un comme effet de grâce, et l’autre de justice.
ANDROMÈDE
- À ces profonds respects qu’ici vous me rendez
- Je ne réplique point, vous me le défendez ;
- Mais, quoique votre amour me condamne au silence,
- Je vous dirai, seigneur, malgré votre défense,
- Qu’un héros tel que vous ne saurait ignorer
- Qu’ayant tout mérité l’on doit tout espérer.
Scène II
Andromède, chœur de nymphes.
ANDROMÈDE
- Nymphes, l’auriez-vous cru qu’en moins d’une journée
- J’aimasse de la sorte un autre que Phinée ?
- Le roi l’a commandé, mais de mon sentiment
- Je m’offrais en secret à son commandement.
- Ma flamme impatiente invoquait sa puissance,
- Et courait au-devant de mon obéissance.
- Je fais plus ; au seul nom de mon premier vainqueur,
- L’amour à la colère abandonne mon cœur ;
- Et ce captif rebelle, ayant brisé sa chaîne,
- Va jusques au dédain, s’il ne passe à la haine.
- Que direz-vous d’un change et si prompt et si grand,
- Qui dans ce même cœur moi-même me surprend ?
AGLANTE
- Que pour faire un bonheur promis par tant d’oracles
- Cette grande journée est celle des miracles,
- Et qu’il n’est pas aux dieux besoin de plus d’effort
- À changer votre cœur qu’à changer votre sort.
- Cet empire absolu qu’ils ont dessus nos âmes
- Éteint comme il leur plaît et rallume nos flammes,
- Et verse dans nos cœurs, pour se faire obéir,
- Des principes secrets d’aimer et de haïr.
- Nous en voyons au votre en cette haute estime
- Que vous nous témoigniez pour ce bras magnanime ;
- Au défaut de l’amour que Phinée emportait,
- Il lui donnait dès lors tout ce qui lui restait ;
- Dès lors ces mêmes dieux, dont l’ordre s’exécute,