Page:Corneille - Imitation de Jésus-Christ, édition 1862.djvu/321

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

quand même cette ardeur passe toute mesure.

Rien ne pèse à l’amour, rien ne peut l’arrêter ;
il n’est point de travaux qu’il daigne supputer ;
il veut plus que sa force ; et quoi qui se présente,
l’impossibilité jamais ne l’épouvante :
le zèle qui l’emporte au bien qu’il s’est promis
lui montre tout possible, et lui peint tout permis.

Ainsi qui sait aimer se rend de tout capable :
il réduit à l’effet ce qui semble incroyable ;
mais le manque d’amour fait le manque de cœur,
il abat le courage, il détruit la vigueur,
relâche les desirs, brouille la connoissance,
et laisse enfin tout l’homme à sa propre impuissance.

L’amour ne dort jamais, non plus que le soleil :
il sait l’art de veiller dans les bras du sommeil ;
il sait dans la fatigue être sans lassitude ;
il sait dans la contrainte être sans servitude,
porter mille fardeaux sans en être accablé,
voir mille objets d’effroi sans en être troublé :
c’est d’une vive flamme une heureuse étincelle,
qui pour se réunir à sa source immortelle,