Page:Corneille - Imitation de Jésus-Christ, édition 1862.djvu/455

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tu n’en dois pas juger suivant ce qu’en présume
le premier sentiment d’une telle amertume,
ni de quelque côté que viennent tes malheurs,
toi-même aveuglément t’obstiner aux douleurs,
comme si d’en sortir toute espérance éteinte
abandonnoit ton âme à leur mortelle atteinte.

Ne te répute pas tout à fait délaissé,
bien que pour quelque temps je t’y laisse enfoncé,
bien que pour quelque temps tu sentes retirées
ces consolations de toi si desirées.
Ainsi ta fermeté s’éprouve beaucoup mieux,
et c’est ainsi qu’on passe au royaume des cieux :
le chemin est plus sûr, plus il est difficile ;
et pour quiconque m’aime, il est bien plus utile
qu’il se voie exercé par quelques déplaisirs,
que si l’effet partout secondoit ses desirs.

Je lis du haut du ciel jusque dans ta pensée ;
je vois jusqu’à quel point ton âme est oppressée,
et juge avantageux qu’elle soit quelquefois
sans aucune douceur au milieu de ses croix,
de peur qu’un bon succès ne t’enfle et ne t’élève
jusqu’à t’attribuer ce que ma main achève,