Page:Corneille - Imitation de Jésus-Christ, édition 1862.djvu/492

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Plût à votre bonté que l’âme peu touchée
de tout ce qui peut suivre ou tromper son desir,
je la pusse à toute heure offrir bien détachée
aux ordres souverains de votre bon plaisir !

" Mon fils, l’homme est changeant, et souvent il s’emporte
avec empressement vers ce qu’il veut avoir :
tant qu’il ne l’obtient pas, sa passion est forte ;
mais quelque estime enfin qu’il veuille en concevoir,
il en juge d’une autre sorte,
sitôt qu’il est en son pouvoir.

" Dans tout ce qu’il possède il voit moins de mérite ;
une flamme nouvelle éteint le premier feu ;
du propre attachement l’inconstance l’agite ;
un desir fait de l’autre un soudain désaveu,
et ce n’est pas peu qu’on se quitte
même dans les choses de peu.

" C’est l’abnégation, mais sincère et parfaite,
qui peut seule affermir son instabilité :
qui se bannit de soi trouve en moi sa retraite ;
l’esclavage qu’il prend devient sa liberté,
et dans la perte qu’il a faite
il rencontre sa sûreté.