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24 DISCOURS

pas une entière justesse pour le nôtre, où les rois même y peuvent entrer, quand leurs actions ne sont point au- dessus d'elle. Lorsqu'on met sur la scène un simple in- trique ' d'amour entre des rois, et qu'ils ne courent aucun péril, ni de leur vie, ni de leur Etat, je ne crois pas que, bien que les personnes soient illustres, l'action le soit assez pour s'élever" jusqu'à^ la tragédie. Sa dignité de- mande quelque grand intérêt d'Etat, ou quelque passion plus noble et plus mâle que l'amour, telles que sont l'am- bition ou la vengeance, et veut donner à craindre des malheurs plus grands que la perte d'une maîtresse. Il est à propos d'y mêler l'amour, parce qu'il a toujours beau- coup d'agrément, et peut servir de fondement à ces inté- rêts, et à ces autres passions dont je parle ; mais il faut qu'il se contente du second rang dans le poëme, et leur laisse le premier.

Cette maxime semblera nouvelle d'abord : elle est tou- tefois de la pratique des anciens, chez qui nous ne voyons aucune tragédie oii il n'y aye qu'un intérêt d'amour à dé- mêler. Au contraire, ils l'en bannissoient souvent ; et ceux qui voudront considérer les miennes, reconnoîtront qu'à leur exemple je ne lui ai jamais laissé y prendre le pas devant, et que dans le Cid même, qui est sans contredit la pièce la plus remplie d'amour* que j'aye faite, le devoir de la naissance et le soin de l'honneur l'emportent sur toutes les tendresses qu'il insprire aux amants que j'y fais parler.

.le dirai plus. Bien qu'il y aye de grands intérêts d'Etat dans un poëme, et que le soin qu'une personne royale

1. Une simple intrigue.

2 . Telle est la leçon de toutes les éditions antérieures à celle de 1 682 , qui donne, sans doute par erreur : « pour l'élever. »

3. VAR.(édit. de 1 660-166^) : jusques à.

l^. ^ AR. (cdit. de 1660-166^) : la plus amoureuse.

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