Page:Corneille - Marty-Laveaux 1910 tome 1.djvu/321

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lettre supposée de mélite à philandre.

Je commence à m’estimer quelque chose, puisque je vous plais ; et mon miroir m’offense tous les jours, ne me représentant pas assez belle, comme je m’imagine qu’il faut être pour mériter votre affection. Aussi je veux bien que vous sachiez que Mélite ne croit la posséder que par faveur199, ou comme une récompense extraordinaire d’un excès d’amour, dont elle tâche de suppléer au défaut des grâces que le ciel lui a refusées.


PHILANDRE.


Maintenant qu’en dis-tu ? n’est-ce pas t’affronter 200 ?


TIRCIS.


Cette lettre en tes mains ne peut m’épouvanter.


PHILANDRE.


La raison ?


TIRCIS.


La raison ?_Le porteur a su combien je t’aime,
Et par galanterie il t’a pris pour moi-même 201,
Comme aussi ce n’est qu’un de deux parfaits amis.


PHILANDRE.


Voilà bien te flatter plus qu’il ne t’est permis,
Et pour ton intérêt aimer à te méprendre 202.


TIRCIS.


On t’en aura donné quelque autre pour me rendre,
Afin qu’encore un coup je sois ainsi déçu.


PHILANDRE.


Oui, j’ai quelque billet que tantôt j’ai reçu 203,
Et puisqu’il est pour toi…

199. Var. Aussi la pauvre Mélite ne la croit posséder que par faveur. (1633-57)

200. Affronter, tromper avec audace.

201. Var. Et par un gentil trait il t’a pris pour moi-même,
D’autant que ce n’est qu’un de deux parfaits amis. (1633-57)

202. Var. Et pour ton intérêt dextrement te méprendre. (1633-57)

203. Var. C’est par là qu’il t’en plaît ? oui-da ; j’en ai reçu