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ACTE IV, SCÈNE I.

Il vivroit plus heureux, et je mourrois content.

CLÉON.

Si vous me l’ordonnez, j’y cours en diligence.

POLYEUCTE.

Sévère à mon défaut fera ta récompense.
Va, ne perds point de temps, et reviens promptement.

CLÉON.

Je serai de retour, seigneur, dans un moment.


Scène II.

POLYEUCTE.
(Les gardes se retirent aux coins du théâtre.)

Source délicieuse, en misères féconde,
Que voulez-vous de moi, flatteuses voluptés ?
Honteux attachements de la chair et du monde,
Que ne me quittez-vous, quand je vous ai quittés ?
Allez, honneurs, plaisirs, qui me livrez la guerre :
Toute votre félicité,
Sujette à l’instabilité,
En moins de rien tombe par terre ;
Et, comme elle a l’éclat du verre,
Elle en a la fragilité.
Ainsi n’espérez pas qu’après vous je soupire.
Vous étalez en vain vos charmes impuissans,
Vous me montrez en vain par tout ce vaste empire
Les ennemis de Dieu pompeux et florissans.
Il étale à son tour des revers équitables
Par qui les grands sont confondus ;
Et les glaives qu’il tient pendus
Sur les plus fortunés coupables
Sont d’autant plus inévitables
Que leurs coups sont moins attendus.
Tigre altéré de sang, Décie impitoyable,
Ce Dieu t’a trop longtemps abandonné les siens :
De ton heureux destin vois la suite effroyable ;
Le Scythe va venger la Perse et les chrétiens.
Encore un peu plus outre, et ton heure est venue ;