Page:Corneille - Pulcherie, Luynes, 1673.djvu/31

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dans le trône, et le nommer César.

'MARTIAN' — Il faudrait que ce gendre eût les vertus d'Aspar ;
Mais vous aimez ailleurs, et ce serait un crime
Que de rendre infidèle un cœur si magnanime.

'ASPAR' — J'aime, et ne me sens pas capable de changer ;
Mais d'autres vous diraient que pour vous soulager,
Quand leur amour irait jusqu'à l'idolâtrie,
Ils le sacrifieraient au bien de la patrie.

'JUSTINE' — Certes, qui m'aimerait pour le bien de l'état
Ne me trouverait pas, seigneur, un cœur ingrat,
Et je lui rendrais grâce au nom de tout l'empire ;
Mais vous êtes constant ; et s'il vous faut plus dire,
Quoi que le bien public jamais puisse exiger,
Ce ne sera pas moi qui vous ferai changer.

'MARTIAN' — Revenons à Léon. J'ai peine à bien comprendre
Quels malheurs d'un tel choix nous aurions lieu d'attendre.
Quiconque vous verra le mari de sa sœur,
S'il ne le craint assez, craindra son défenseur ;
Et si vous me comptez encor pour quelque chose,
Mes conseils agiront comme sous Théodose.

'ASPAR' — Nous en pourrons tous deux avoir le démenti.

'MARTIAN' — C'est à faire à périr pour le meilleur parti :
Il ne m'en peut coûter qu'une mourante vie,
Que l'âge et ses chagrins m'auront bientôt ravie.
Pour vous, qui d'un autre œil regardez ce danger,
Vous avez plus à vivre et plus à ménager ;
Et je n'empêche pas qu'auprès de la princesse
Votre zèle n'éclate autant qu'il s'intéresse.