Page:Corneille - Pulcherie, Luynes, 1673.djvu/58

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

le nom de femme
Je le faisais régner sans régner dans son âme ;
Si j'en avais le titre, et vous tout le pouvoir,
Et qu'entre nous ma cour partageât son devoir.

'IRÈNE' — Ne l'appréhendez pas : de quelque ardeur qu'il m'aime,
Il est plus à l'état, madame, qu'à lui-même.

'PULCHÉRIE' — Je le crois comme vous, et que sa passion
Regarde plus l'état que vous, moi, ni Léon.
C'est vous entendre, Irène, et vous parler sans feindre :
Je vois ce qu'il projette, et ce qu'il en faut craindre.
L'aimez-vous ?

'IRÈNE' — Je l'aimai, quand je crus qu'il m'aimait :
Je voyais sur son front un air qui me charmait ;
Mais depuis que le temps m'a fait mieux voir sa flamme,
J'ai presque éteint la mienne et dégagé mon âme.

'PULCHÉRIE' — Achevez. Tel qu'il est, voulez-vous l'épouser ?

'IRÈNE' — Oui, madame, ou du moins le pouvoir refuser.
Après deux ans d'amour il y va de ma gloire :
L'affront serait trop grand, et la tache trop noire,
Si dans la conjoncture où l'on est aujourd'hui
Il m'osait regarder comme indigne de lui.
Ses desseins vont plus haut ; et voyant qu'il vous aime,
Bien que peut-être moins que votre diadème,
Je n'ai vu rien en moi qui le pût retenir ;
Et je ne vous l'offrais que pour le prévenir.
C'est ainsi que j'ai cru me mettre en assurance
Par l'éclat généreux d'une fausse apparence :
Je vous cédais un bien que je ne puis garder,
Et qu'à vous seule enfin ma gloire peut céder.

'PULCHÉRIE' — Reposez-vous sur moi. Votre Aspar vient.


Scène 3


Pulchérie, Aspar, Irène, Justine.


'