Page:Corneille - Pulcherie, Luynes, 1673.djvu/62

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Mettez-vous, j'y consens, au-dessus de l'amour,
Si pour monter au trône, il s'offre quelque jour.
Qu'à ce glorieux titre un amant soit volage,
Je puis l'en estimer, l'en aimer davantage,
Et voir avec plaisir la belle ambition
Triompher d'une ardente et longue passion.
L'objet le plus charmant doit céder à l'empire :
Régnez ; j'en dédirai mon cœur s'il en soupire.
Vous ne m'en croyez pas, seigneur ; et toutefois
Vous régneriez bientôt si l'on suivait ma voix.
Apprenez à quel point pour vous je m'intéresse.
Je viens de vous offrir moi-même à la princesse ;
Et je sacrifiais mes plus chères ardeurs
À l'honneur de vous mettre au faîte des grandeurs.
Vous savez sa réponse : "ou Léon, ou personne. "

'ASPAR' — C'est agir en amante et généreuse et bonne ;
Mais sûre d'un refus qui doit rompre le coup,
La générosité ne coûte pas beaucoup.

'IRÈNE' — Vous voyez les chagrins où cette offre m'expose,
Et ne me voulez pas devoir la moindre chose !
Ah ! Si j'osais, seigneur, vous appeler ingrat !

'ASPAR' — L'offre sans doute est rare, et ferait grand éclat,
Si pour mieux éblouir vous aviez eu l'adresse
D'ébranler tant soit peu l'esprit de la princesse.
Elle est impératrice, et d'un seul : " je le veux, "
Elle peut de Léon faire un monarque heureux :
Qu'a-t-il besoin de moi, lui qui peut tout sur elle ?

'IRÈNE' — N'insultez point, seigneur, une flamme si belle.
L'amour, las de gémir sous les raisons d'état,
Pourrait n'en croire pas tout à fait le sénat.

'ASPAR'