Page:Corneille - Pulcherie, Luynes, 1673.djvu/9

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Mon aïeul Théodose, Arcadius mon père,
Cet empire quinze ans gouverné pour un frère,
L'habitude à régner, et l'horreur d'en déchoir,
Voulaient dans un mari trouver même pouvoir.
Je vous en ai cru digne ; et dans ces espérances,
Dont un penchant flatteur m'a fait des assurances,
De tout ce que sur vous j'ai fait tomber d'emplois
Aucun n'a démenti l'attente de mon choix ;
Vos hauts faits à grands pas nous portaient à l'empire ;
J'avais réduit mon frère à ne m'en point dédire :
Il vous y donnait part, et j'étais toute à vous ;
Mais ce malheureux prince est mort trop tôt pour nous.
L'empire est à donner, et le sénat s'assemble
Pour choisir une tête à ce grand corps qui tremble,
Et dont les Huns, les Goths, les Vandales, les Francs,
Bouleversent la masse et déchirent les flancs.
Je vois de tous côtés des partis et des ligues :
Chacun s'entre-mesure et forme ses intrigues.
Procope, Gratian, Aréobinde, Aspar
Vous peuvent enlever ce grand nom de César :
Ils ont tous du mérite ; et ce dernier s'assure
Qu'on se souvient encor de son père Ardabure,
Qui terrassant Mitrane en combat singulier,
Nous acquit sur la Perse un avantage entier,
Et rassurant par là nos aigles alarmées,
Termina seul la guerre aux yeux des deux armées.
Mes souhaits, mon crédit, mes amis, sont pour vous ;
Mais à moins que ce rang, plus d'amour, point d'époux :
Il faut, quelques douceurs que cet amour propose,
Le trône ou la retraite au sang de Théodose ;
Et si par le succès mes desseins sont trahis,
Je m'exile en Judée auprès d'Athénaïs.

'LÉON'