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cxLviM ÉTUDE SUR MÉDÉE

pensée du poète n'est pas douteuse. D'abord prisonnière, bientôt délivrée parrHyméuée, qui chasse la Discorde et l'Envie en 'eur ujontrant le seul purtrait de la jeune reine, la Paix triomutiunte dit à la Frauce avec une fierté légilime :

Fais éclater ta joie ea de pompeux spectacles : Ton théâtre a souvent d'assez riches couleurs Pour n'avoir pas besoin d'emprunter rien ailleurs.

Son règne pourtant ne sera pas celui de l'oisiveté : aux mêlées sanglantes vont succéder les << combats de prudence et d'étude », les '< guerres d'esprit », et dans ces luttes pacifiques où « la plus haute gloire » se conquiert, il faut que la France ait la victoire encore. Ce prologue tout entier est donc plus qu'un plaidoyer, c'est un hymne en l'honneur de la paix. C'est aussi une préface naturelle de Médée : le nom de la magicienne est prononcé dans le dernier vers, et l'on a comme un avant-goût de ses enchan- tements dans le changement à vue final : « Tout le théâtre se cliauae en un jardin magnifique à la vue du portrait de la Reine que l'Hyménée lui présente.

L'intérêt de la Toison d'or n'est cependant pas tout entier dans le prologue. Voltaire la définit << une espèce d'opéra, ou du moins une pièce de machines, avec un peu de musique. » Sur ce der- nier point il a raison : la musique ne joue ici qu'un rôle tout à fait secondaire, et le nom du collaborateur musical de Corneille n'est même pas venu jusqu'à nous. Au contraire, sous le pompeux éta- lage des machines, il n'est pas malaisé de découvrir et de suivre les péripéties d'un drame très humain, plus humain à certains points de vue que celui de Médée, plus logique et mieux gradué. La féerie, d'ailleurs, n'est ici que le cadre de la tragédie, tandis que Médée est un mélange équivoque de l'un et de l'autre genre. Si le combat du devoir et de la passion est l'âme de la tragédie cornélienne, c'est la Toison d'or qui est la tragédie véritable ; seu- lement, l'infériorité de la Toison d'or, c'est qu'elle vient après les chefs-d'œuvre; la supériorité de Médée, c'est qu'elle les précède et les fait deviner. Pourtant la Médée de 1660 ressemble fort à la Médée de 1633 : c'est bien la même fierté hautaine, ce sont les mêmes emportements de jalousie et de colère, la même passion absolue et dominatrice. La fille d'Acte, infidèle à son pays et â son père, nous pré;'are à mieux comprendre la rivale de Creuse; ea voyant tout ce qu'elle a sacrifié pour suivre Jason, nous com- prenons, et son désespoir quand Jason l'abandonne, et ses brus- ques alternatives de tendresse et de fureur, également sincères, et jusqu'à ses crimes. Voilà pourquoi nous n'avons pas voulu séparer la Toison d'or de Médée.

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