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46 LE CID

on lui donnait la lieutenance du gouvernement de Provence. C'est qu'on voulait ménager son frère, le duc de Guise; il fal- lait donc se contenter de renouveler les édits contre les duels.

Henri IV avait, en 1602, interdit le duel sous peine de mort, et constitué un tribunal d'honneur, composé de maréchaux de France, dont la sentence — toujours sous peine de mort-- devait être observée. C'est que le mal exigeait un remède énergique : de 1398 à 1607, suivant Lestoile, il n'y eut pas moins de sept à huit mille gentilshommes tués dans des affaires d'honneur. En vingt ans, l'on compta plus de huit mille lettres de grâce accordées à des duellistes dont l'adver- saire avait succombé. Pendant la Ligue, ces rencontres s'étaient multipliées; du haut de la chaire alors on les encou- rageait et on les glorifiait : Claude de MaroUes, vainqueur d'un gentilhomme royaliste, était comparé par un prédica- teur à David, vainqueur de Goliath, et l'on observait que l'ana- gramme de son nom donnait Adsum in duello clarus *. Mais, la guerre civile apaisée, Henri IV triomphant entendait le prédicateur Chauveau lui signaler le péril croissant et lui crier : « Sire, vous en répondrez devant Dieu, si vous n'y donnez ordre. » — « Ventre-Saint-Gris, — lui disait-il à son tour en le prenant à part. — vous avez très bien parlé; c'est ce que doivent faire les prédicateurs, aux grands comme aux petits, avec prudence néanmoins et avec modestie. » — « En vérité, écrivait d'autre part saint François de Sales -. je ne puis penser comme l'on peut avoir un courage si déréglé, même pour des bagatelles et des choses de rien. » Un de ses disciples. Camus, évêque de B lley, l'affirmait aux Etats de 1614 : (c Plus de gentilshommes sont morts par la rage de ces combats singuliers en un an de paix qu'en deux ans de trou- bles », et il tenait un langage non moins énergique dans l'Homélie des trois fléaux des Etals de France^. A quoi bon? Quelques obscurs duellistes étaient châtiés de loin en loin; la plupart restaient impunis, malgré les vives remontrances de l'ordre du clergé.

Lorsqu'il arriva au pouvoir (1624), Richelieu semblait n'avoir qu'à sui\Te l'exemple de Luynes, qui avait tenu la main à la ferme exécution des édits contre le duel. Celui qui, plus tard, étudiait avec son confesseur la question de savoir s'il n'exis- tait pas des cas où le duel pouvait être permis, n'abordai*

1. Labitte, Les Prédicateurs de la Ligut:.

S. LeUres, CXCVIII.

I. Boulas, Un Disciple de saint François de Sales : Cmmmt,

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