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II

l'action et les unités.

Que venaient-ils chercher au Uiéàtre, en 1636, ces specta- teurs qui devaient assister i:)ientôl à la plus émouvante des Iras'i-comédies, la Fronde? Beaucoup moins un fidèle tableau d'histoire, ou même une peinture vraie de l'àme humaine (car leur goût encore mal formé en sentait assez confusément le prix) que des émotions vives, et de leur temps. L'exactitude du costume et du décor les préoccupait médiocrement. « L'action dramatique du Cid nous reporte au xii'^ siècle; ces rudes guerriers que nous peisnenl les romanceros, qu'on retrouve sur leurs pierres tombales vêtus de la camisole de marbre, de la dalmatique armoriée, les mains croisées ~sur de larges glaives, coiffés de l'armet d'acier, parurent sous le riche et galant costume de la cour de Philippe IV, en pour- points de velours ou de satin, le manteau court relevé sur l'épaule, et au côté la fine rapière à la large coquille^ » La scrupuleuse érudition de nos critiques voit là un anachronisme; Corneille cl ses contemporains ne s'en souciaient guère. Il est trop clair pour nous que les personnages du Cid n'ont pas plus le langage et les mœurs que le ,costume du moyen âge; et pourtant, parmi tant de griefs, Scudéry et l'Académie ont oublié celui-là.

Ils n'ont pas semblé sapercevoir davantage des libertés que Corneille avait prises avec l'histoire et la géographie. Séville, capitale de l'Andalousie, royaume indépendant alors, et reconquis sur les musulmans, deux siècles après, par Ferdi- nand m le Saint, est substituée à Burgos, capitale de la Cas- tille. « J'ai été obligé à cette falsification, dit Corneille lui- même-, pour former quelque vraisemblance à la descente des Maures, dont l'armée ne pouvait venir sitôt par terre que par eaux », c'est-à-dire, selon le mot spirituel de Sainte-Beuve', pour avoir la ressource d'une marée complaisante à la règle des vingt-quatre heures. C'est près de Burgos, dans les monts l'Ocra, que le Cid vainquit ies Maures, et l'histoire dit qu'il nit plusieurs années à les vaincre. Mais s'il n'est pas Tain-

1. Pernn, Etudes sur la mist tm teéne,

2. Examen du Cid.

3. NoTceau* iindis, t. VU-

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