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102 LE CID

qu'il juge lui-même son œuvre déjà publiée et louée par Balzac; il avoue, en effet, qu'il y a « la plus grande part », et il en fait ressortir le vrai caractère : « Si vous me deman- dez ce qui m'en semble, je vous confesserai que j'en tien»" le biais de l'introduction adroit, ayant à choquer le jugemen' de la cour et du peuple; que j'en crois la doctrine solide, et qu'à mon avis la modération et l'équité y régnent partout*. »

Le « circonspectissime » Chapelain, comme l'appelait son ami Balzac, avait-il raison de s'accorder cet éloge discret, et Th. Gautier a-t-il eu raison d'écrire : « Cette critique juste, décente, honnête, lui fît et lui fait encore honneur 2. » 11 avait raison. Sa conduite fut d'un honnête homme, et Cor- neille, qui plus tard lui écrivait familièrement, dut lui rendre justice.

Ce qui nous frappe tout d'abord, en effet, dans Les senti- ments de l'Académie française sur la tragi-comédie du Cid, c'est la modération de la forme et la convenance du ton ; plus d'affirmations tranchantes, de critiques hautaines, de fanfa- ronnades à la Scudéry, mais un effort visible pour être juste et pour ne pas trop accorder à l'un ou l'autre des deux partis. D'un autre côté, comme l'impartialité absolue est difficile, sinon dangereuse (car derrière Scudéry l'Académie aperçoit Richelieu), cet effort sincère ne va pas sans quelque gêne. Cela est honnête, mais assez gauche; on sent la fausseté de la situation. Dans l'embarras où elle se trouve, l'Académie sem- ble vouloir reculer le moment où il lui faudra aborder de front sa tâche ; elle s'attarde aux généralités d'un eiorde in- terminable : « Ceux qui, par quelque désir de gloire, donnent leurs ouvrages au public, ne doivent pas trouver étrange que le public s'en fasse le juge « ; tel est le point de départ; mais cette remarque, très vraie en elle-même, suffit-elle à Justifier l'intervention de l'Académie? A-t-elle le droit de se confondre modestement avec la masse du public, et de ne pas attribuer à son travail collectif d'autre autorité que celle d'une critique individuelle? Elle a raison, du moins, de définir le caractère tout impersonnel de la censure littéraire, utile tant qu'elle reste équitable et mesurée, nécessaire même, puisqu'on ne saurait atteindre à la perfection, mais qu'on peut espérer dt faire progresser l'entendement humain grâce à ces « contes- talions honnêtes », à ces « innocentes et profitables que- relles ».

Comment l'Académie a-t-elle été amenée à s'occuper d'une

1. Lettre à Balzac, 25 janvier 1638. 1. Tb. Gautier, let Grotesgues, p. 300.

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