Page:Corneille Théâtre Hémon tome1.djvu/65

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plus mordantes, les plus injustes éplgrammes contre les jansénistes soient venues d’un de leurs élèves les plus chers; élève des jésuites, Corneille sait rendre hommage à la vertu de leurs adversaires, et ne transforme pas le plaidoyer en satire.

Il allait pourtant être contraint bientôt de se mesurer avec ce jeune vainqueur, si peu disposé à l’épargner, comme on le vit par la première préface de Britannkus. Mais on ne remarque pas assez qu’entre Attila (1667) et Tite et Bérénice (1670), il y a uu intervalle de trois ans. Corneille semble retombé dans le découragement auquel Fouquet l’avait arraché. Fouquet n’était plus là, et le vieux poète tragique s’essayait, avec effort, au mé- lier de poète courtisan. Une profonde tristesse respire dans les vers Au roi sur son retour de Flandre (1667):

Que ne peuvent, grand Roi, tes hautes destinées
Me rendre la vigueur de mes jeunes années !
Qu’ainsi qu’au temps du Cul je ferais de jaloux !
Mais j’ai beau rappeler un souvenir si doux...
Au bout d’une carrière et si longue et si rude,
On a trop peu d’haleine et trop de lassitude :
A force de vieillir, un auteur perd son rang ;
On croit ses vers glacés par la froideur du sang;
Leur dureté rebute, et leur poids incommode,
Et la seule tendresse est toujours à la mode.

Non sans fierté toutefois, 11 rappelle qu’il a deux fils à l’armée, et que l’un vient d’être blessé sous les murs de Douai. La même année, il perdait un jeune fils, Charles, filleul du P. de la Rue, de ce poète latin élégant dont alors même Corneille traduisait en vers français un poème sur les victoires du roi (1667). En 1668 encore, il écrit des vers Au roi sur sa conquête de la Franche-Comté. Enfin, il prépare sa traduction de l’Office de la Vierge, qu’il publie seulement en 1670. Qu’on ne dise pas que la tristesse l’a ramené à la piété, car cette piété sincère. Corneille ne l’avait pas dépouillée en quittant sa retraite. Aucun spectacle n’est même plus remarquable que celui de ce père de famille qui est un homme de génie, en qui s’unissent, par un mélange bizarre, les mesquines préoccupations de la vie bourgeoise et les plus nobles aspirations vers un art toujours élevé, et qui ne s’arrache aux coulisses du théâtre que pour feuilleter le bréviaire romain.

C’est dans des dispositions d’esprit si peu favorables qu’il