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i.Fi BIOGRAPHIE DE CORNEILLE

écrivit Tite et Bérénice (1670). On a cent fois raconté l'histoire de ce duel qui mit aux prises Corneille et Racine, sans qu'Hen- riette d'Angleterre et Dangeau, son ambassadeur près des poètes, les eussent instruits de leur rivalité. On a remarqué combiea ce sujet, si bien fait pour Racine, était mal fait pour tenter le génie de Corneille, adversaire des doucereux, qui se défiait de la << ten- dresse à la mode », et l'on s'est demandé même si la gracieuse et tendre Madame, à qui Racine avait dédié son Andromaque, n'avait pas tendu un piège au vieux poète, en assurant d'avance le triomphe de son jeune rival. Pour expliquer le choix du sujet, on a imaginé tout un roman : Bérénice, c'est tantôt Marie Manci- ni, la nièce de Mazarin, la première femme que le roi ait aimée, tantôt Madame elle-même; dans les deux hypothèses, Titus, c'est Louis XIV '. Il ne semble pas douteux que Racine ait fait allu- sion aux fugitives amours du jeune roi et de Marie Mancini ; plus que son rival il était préparé à saisir au passage ces allu- sions délicates et fugitives, que laissaient échapper les mains puissantes, mais un peu gauches, de Corneille. Pour Madame, on ne voit guère qu'une ressemblance fort indirecte entre l'his- toire de son penchant pour le roi et l'histoire de la passion de Bérénice pour Titus ; sans repousser une tradition aimable, on peut s'étonner qu'il ne soit question de Madame ni dans la préface de Corneille, ni dans l'épitre dédicatoire de Bérénice, adressée au grave Colbert. Et pourtant, Madame venait de mourir d'une mort mystérieuse et soudaine, et Bossuet venait de prononcer son immortelle oraison funèbre, trois mois avant la représentation de la pièce de Racine, que celle de Corneille suivit à huit jours d'intervalle. Est-ce ce retard qui fut une pre- mière cause d'infériorité? Racine avait-il eu l'habileté de choisir des acteurs mieux capables de faire valoir son œuvre? Fut-on déconcerté par certains passages obscurs, dont Boileau raillait le (I galimatias double », ou par l'invention du caractère de Domitien, et de Domitien amoureux, ou par cette conception toute cornélienne, tout opposée à celle de Racine : Bérénice, héroïne presque virile, sacrifiant sa passion à son devoir, malgré l'amour de Titus, prêt à toutes les faiblesses, malgré le consen-

��1. Sur toute rette histoire des deux Bévénices, voyez le Racine de M. Paul Mesnard, collection des Grands Écrivains, et Les ennemis de Racine, de M. Del- tour.

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