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144 HORACE

Immole au cher pays des vertueux Horaces

Ce reste malheureux du sang des Curiaces. i34f

Si prodigue du tien, n'épargne pas le leur ;

Joins Sabine à Camille, et ta femme à ta sœur.

Nos crimes sont pareils, ainsi que nos misères ;

Je soupire comme elle et déplore mes frères:

Plus coupable en ce point contre tes dures lois 134S

Qu'elle n'en pleurait qu'un, et que j'en pleure trois,

Qu'après son châtiment ma faute continue.

HORACE.

Sèche tes pleurs, Sabine, ou les cache à ma vue

Rends-toi digne du nom de ma chaste moitié,

Et ne m'accable point d'une indigne pitié. 1350

Si l'absolu pouvoir d'une pudique flamme

Ne nous laisse à tous deux qu'un penser et qu'une âme,

C'est à toi d'élever tes sentiments aux miens,

Non à moi de descendre à la honte des tiens.

Je t'aime, et je connais la douleur qui te presse : 1355

Embrasse ma vertu pour vaincre ta faiblesse;

Participe à ma gloire au lieu de la souiller.

Tâche à t'en revêtir, non à m'en dépouiller.

��C'est Hermione qui le dit à Pyrrhus, avec la même et cruelle ironie. 1344. Sur cette acception de déplorer, voyez la note du vers SOI.

1348. Comparez, pour cette construction du pronom, les vers 1002, 1150, 1S36.

1349. Moitié se disait pour femme, même dans le style tragique :

Restes du grand Pompée : écoutez sa moitié. (Pompée, V,l.)

Pnisse-t-elle être un gage, envers votre moitié.

De votre amonr ensemble et de mon amitié ! (Rodogune, 1593.)

Voltaire approuve cet emploi ; aujourd'hui, moitié n'est plus guère usité que dans le style familier.

1352. Sur penser, voyez les vers 214 et 708. 1354. De descendre à, de t'abaisser à:

Quoi ! Je pourrais descendre à ce lâche tiTtiÛce.(Rodogune, 8*3.)

Tâ55. Presser, oberve M. Littré, se dit des sentiments, des passions qui se font sentir impérieusement. Corneille emploie ce verbe en le joignant aux mots fureur, frayeur, ambition, etc.

1356. « Est-ce là le langage qu'il doit tenir à sa femme, quand il vient d'assas- ■iner sa soeur dans un moment de colère? » (Voltaire.) Vertu n'a pas ici le sens que lui attribue Voltaire. Montesquieu définit ainsi ce que les Romains entendaient par virttis: «C'était un amourdominant pour la patrie, qui, sortant des règles ordinaires des crimes et des vertus, n'écoutait que lui seul, et ne voyait ni citoyen, ni ami, ni bienfaiteur, ni père ; la vertu semblait s'oublier pour se sur- passer elle-même, et l'action qu'on ne pouvait d'abord approuver, parce qu'elle •tait atroce, d'après les idées romaines, elle la faisait admirer comme divme. » (Grandeur et décadence des Romains, xi.)

1358. Au ivin° siècle aussi bien qu'au xvn*, tâcher à s'employait fréquemment fOW tâcher (2a. « Ou a essayé de distinguer entre tâcher de, et tâcher à, disant

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