Page:Corneille Théâtre Hémon tome2.djvu/202

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Machiavel lui-même ; il étale doctement et avec complaisance tout ce qu’il sait sur l’art de tromper; mais il ne se doutait pas seulement de la marche secrète d’une politique astucieuse, de ses souplesses et de ses détours; s’il avait observé Richelieu, il aurait pu en apprendre davantage. » Néanmoins Corneille eût pu se rassurer en lisant ce jugement tout opposé d’un historien très français ’: « On reconnaît dans les pièces romaines l’influence de Richelieu; Corneille peignait la grande politique comme il la voyait faire. »

Même confusion d’idées au xix^ siècle : à côté des travaux désintéressés de MM. Guizot, Taschereau, E. Fournier, des épigrammes superficielles ou des admirations peu motivées de M. Jules Janin, de l’appréciation trop brève de M. Nisard, nous aurions à signaler bien des vues divergentes de MM. Desjardins, de Bornier, Levallois, sur le sens historique et politique de Cinna; mais cette question si controversée mérite d’être traitée à part. En tout cas, si le lecteur moderne n’est pas éclairé, il ne faut pas s’en prendre aux critiques, qui n’ont ménagé à la tragédie cornélienne ni le blâme ni l’éloge. D’une part, M. Sarcey * croit que si l’on voit seulement les défauts d’un ouvrage, il ne restera pas grand’chose de Cinna. D’autre part, M. Horion^, avec une exactitude toute mathématique, relève jusqu’à vingt reproches injustes adressés à la même pièce, et, non moins mathématiquement, les réfute un par un : c’est à peine, en retour, s’il découvre deux reproches microscopiques dont il reconnaît la justesse. Entre des opinions si contraires, il y a place pour une admiration sans fétichisme.


II
LES CARACTÈRES


Cinna ou la clémence d’Auguste, pourquoi ce titre accompagné d’un sous-titre ? Corneille aurait-il voulu nous avertir ainsi que le héros de sa tragédie était Auguste et non Cinna ? On l’a prétendu, mais il semble qu’en ce cas il eût été plus simple de laisser subsister le sous-titre seul, ou de substituer à ce titre trompeur, Cinna, ce titre plus vrai et plus significatif, Auguste. N’y faudrait-il pas voir l’involon-

1. Henri Martin, Histoire de France, XII, 74.

2. Feuilleton du Temps.

3. Explication du théâtre classique.