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28 CINNA

Seulement, à la différence de ces aventurières, elle maintient mlacte sa réputation. Le soupçon n'effleure même pas cette rigide vertu, qui éveille la sympathie moins que l'admiration mais impose le respect. Comme bien d'autres femmes de Corneille, elle diseerte, raffine et s'échauffe à froid ; mais, si la tête est exaltée, le cœur n'est pas corrompu. Cette matrone future apportera en dot à Cinna, avec sa dignité un peu sèche, son inaltérable honnêteté.

Par une antithèse familière à Corneille, à ces deux carac- tères héroïques ou pseudo-héroïques s'opposent deux autre» caractères qui, par leur infériorité, sont destinés à faire mieuï ressortir la grandeur et à voiler les petitesses des premiers. Cinna, écrasé par Auguste, se relève grâce au voisinage de Maxime. De même, les conseils pratiques, mais un peu froids, de Fulvie, cette sage confidente, son obstination à vanter les solides avantages de la paix, alors que la guerre est déjà dé- clarée, son effarement en face de l'intraitable rancune de sa maîtresse, que les années, pas plus que ses exhortations, ne peuvent adoucir, nous font mieux mesurer encore la hauteur du caractère d'Emilie. Fulvie, il est vrai, n'est qu'une suivante, sans influence réelle sur les événements, tandis que l'inter- vention de Maxime précipite la crise et prépare le dénoue- ment.

D'où vient cette importance donnée à un rôle si mal venu? Ceux qui voient partout des intentions profondes nous pré- sentent Maxime comme un scélérat idéal en qui sont person- nifiés tous les vices inhérents à la République. Pourquoi ne pas reconnaître plutôt qu'ici encore la main du poète se montre un peu gauche, et que, lui aussi, le caractère de Maxime est contradictoire? Nous n'avons pas en effet devant nous un Narcisse, traître par essence et portant jusque dans le crime un naturel voisin de la perfection : quand Maxime paraît, au second acte, c'est pour éveiller notre sympathie au moment même où elle abandonne Cinna. Sa franchise, sa fidélité à ses convictions, le ton d'émotion sincère avec lequel il supplie Auguste de rétablir la liberté, tout nous attache à lui. Et voici qu'au troisième acte déjà l'avocat de la Rome républicaine s'exerce au métier de délateur : car, ne nous y trompons pas, si Euphorbe, son valet, est plus vil encore que lui, c'est le maître qui est le vrai coupable, et il l'est ayant même que le valet ait ouvert la bouche. Qu'a fait celui-ci, sinon prêter une voix aux mauvaises pensées qui s'agitaient au fond d'une âme encore honteuse d'elle-même, sinon l'aider à dépouiller toute mauvaise honte? Et c'est sur Euphorbe que Maxime, dan» sa colère plus puérile encore que lâche, appellera

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