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IXTRODUCTION 33

qaiète, lorsqu'à la fin du premier acte Ciuna et Maxime sont mandés au palais. Ne dirait-on pas des victimes vouées à la mort, entraînées dans quelque affreux repaire, d'où l'on ne revient pas? Ne croit-on pas les voir d'avance tenant tête au despote, bravant sa colère et marchant au supplice oti il les envoie, en vrais héritiers des héros républicains d'autrefois, en martyrs de la liberté romaine?

ACTE II. — Quelle surprise! Cet Auguste qui a conquis le pouvoir au prix de tant d'efforts, de dangers, de crimes le voilà qui hésite, consulte l'intérêt de Rome, s'interroge et interroge ses amis : doit-il abdiquer ou conserver l'empire? 11 les en fait juges. Son cœur n'est donc pas si corrompu; son ambition n'est donc pas si effrénée : il aspire à descendre! Sa parole est grave, presque triste; il nous laisse voir jusqu'au fond de son âme, et nous y découvrons, au lieu de la fièvre d'une ambition inassouvie, une suprême lassitude de la toute- puissance. Nous sommes étonnés tout d'abord et dépaysés. En face de cette offre imprévue, que vont faire et que vont dire nos héros? Sans doute, foulant aux pieds tout sentiment personnel, ils ne voudront voir que l'inLérêt public; sans doute ils vont saluer avec joie le rétablissement pacifique de la liberté tant désirée? INon; Maxime seul répond par la loyauté à la confiance de l'empereur; Cinna, qui conspire la mort du « tyran », l'exhorle ;'i garder la tyrannie. Il ne craint pas de se jeter aux genoux d'Auguste pour l'en supplier, au nom de Rome tout entière, dont il se fait l'interprète :

Votre Rome à genoux vous parle par ma bouche*.

Vuguste, vaincu, se résigne :

Mon repos m'est bien cher; mais Rome est la plus forte, Et, quelque grand malheur qui m'en puisse éirriter, Je consens à me perdre, afin de la sauver.

Tant de générosité d'une part, tant d'hypocrisie de l'autre nous confondent. Cependant le changement d'intérêt n'est pas si brusque qu'on veut bien le dire ; nous ne pardonnons pas encore à celui qui fut Octave; mais nous commençons à douter si le tableau qu'on nous a fait de ses intrigues et de ses vices n'est pas un peu chargé. En son âme se livre, nous le devinons, un combat décisif entre le bien et le mal; nous en attendons l'issue. Jusque-là l'intérêt restera suspendu; car, si nous ne pouvons approuver les raisons équivoques que Cinna donne de sa conduite, nous n'avons aucun motif pour

1. Acte II, se. L

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