Page:Corneille Théâtre Hémon tome2.djvu/229

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

IN'IRODUCTION 45

tempéré plut à tout le monde, et le prince ne suivit p£is moins en cela son intérêt que son humeur modérée ; car enfm on passe aisément mal de la liberté à la servitude, et il pouvait se tenir heureux de commander, en quelque façon

que ce fût, à un peuple libre 11 avait éprouvé qu'un

honnête homme se fait le ^premier malheureux quand il en fait d'autres, et il ne fut jamais si content que lorsqu'il se ?it en état de faire le bien selon son inclination, après avoir

fait le mal contre son gré Le bien de l'Etat était toujours

sa première pensée; et il n'entendait pas par le bien de l'Etat un nom vain et chimérique, mais le véritable intérêt de ceux qui le composaient, le sien le premier (car il n'est pas juste de quitter les douceurs de la vie privée pour s abandonner au soin du public, si on n'y trouve ses avantages) et celui des autres qu'il ne crut jamais être séparé

du sien Je vois des injures oubliées; je le vois si hardi

dans sa clémence qu'il ose pardonner une conspiration, non seulement véritable, mais toute prête à s'exécuter.... Il rendit le monde heureux et il fut heureux dans le monde. Il n'eut rien à souhaiter du public, ni le public de lui; et, considérant les maux qu'il a faits pour parvenir à l'empire, et le bien qu'il fit depuis qu'il fut empereur, je trouve qu'on a dit avec beaucoup de raison qu'il ne devait jamais naître, ou

ne jamais mourir Après tous les maux qu'on avait

soufferts, on fut bien aise de trouver de la douceur, en quelque manière que ce fût. 11 n'y avait plus assez de vertu pour soutenir la liberté; on eût eu honte d'une entière sujétion, et, à la réserve de ces âmes fières que rien ne put contenter, chacun se fit honneur de l'apparence de la république, et ne fut pas fâché, en effet, d'une douce et agréable domination. »

Voilà l'Auguste apaisé, presque attendri, que l'on con- cevait au xvH* siècle et que Corneille a peint. Fréron re- marque à ce propos * que Corneille a changé de pinceaux avec les différents âges de la puissance romaine, et que, par exemple, le portrait d'Auguste ne ressemble pas à celui de Sertorius ou d'Othon. C'est trop peu dire : par sa façon généreuse de pratiquer le pardon et l'oubli des injures, l'Auguste français se rattache à la tradition chrétienne ; à de certains moments il semble n'avoir plus guère du Romain que la gravité un peu solennelle. En tous cas, il est moins romain qu'Horace : cen'estpas ainsi qu'Horace eût pardonné.

��I. Atmée littéraire, III, p. 9-10.

�� �