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B6 CINNA

rier par-dessus sa vasLe perruque'. » Qu'il est loin de l'Au- guste de Suétone, regretté par Fénelon. cet Auguste qui tra- verse la scène avec des allures de matamore, ou, du haut d'un trône élevé, laisse tomber ses phrases majestueuses: Qu'il est loin du Brutus romain, ce Cinna, que désespère une « aimable inhumaine »! Mais, quoi! il portait la fraise et le haut-de-chausses. D'ailleurs, BruLus sans amour ne paraît pas assez honnête homme à Balzac. Sans Emilie, Cinna n'eût été qu'un bai'bare ; avec Emilie, il ne tient qu'à lui d'être un héros. L amour le transfigure et le Justifie.

De là, sans doute, une morale équivoque ; mais cette mo- rale est encore un fruit naturel du temps où vit Corneille. Un temps aussi indifférent aux proscriptions politiques devait comprendre et excuser, sans peine, Auguste ; mais aussi, un temps aussi complaisant pour les conspirateurs devait con- damner mollement l'entreprise de Cinna. Auguste s'accuse des massacres de Pérouse. Ne se souvenait-on pas des hor- reurs du sac de Nègrepelisse (1622) et de tant d'hommes, de femmes , d'enfants , égorgés sous les yeux mêmes du roi ? Cinna se reproche, comme un crime, la seule pensée de l'as- sassinat d'Auguste. La vie du cardinal n'était-elle pas mena- cée, tous les jours, par des conspirateurs moins scrupuleux ? Après la conjuration d'Amiens, que l'indécison de Gaston d'Orléans fit seule avorter, La Rochefoucauld, qui avait refusé d'en être, par répugnance pour un meurtre, même politique, s'étonne pourtant que les conjurés aient laissé échapper une occasion aussi propice. Que de meurtres alors dont la raison d'Etat est la cause ou plutôt le prétexte ! Louis XIII n'avait-il pas reçu le surnom de Juste pour avoir fait tuer Concini sans jugement? Cette perversion des idées morales, aux temps de troubles, n'est pas particulière au xvii® siècle; d'après Cicé- ron^. César aimait à répéter ces deux vers des Phéniciennes, dEuripide : « Si jamais on doit violer la justice, c'est pour monter au trône ; il faut la respecter en tout le reste. )> Son fils adoptif a trop bien appliqué ce précepte ; mais Corneille n'avait pas besoin de s'en souvenir, ni d'emprunter ses exeni- ples à l'antiquité.

Les exemples vivants sont d'un autre pouvoir.

Cette confusion du bien et du mal, elle était partout autour de lui; ces maximes tour à tour à l'usage des tyrans et des

1 Fournel, Curiosités théâtrales. Voltaire dit que cette perruque carrée, et ferrie de feuilles de laurier descendait par devant jusqu'à la poitrine de l'acteur el était surmontée d'un large chapeau à deux rangs de plumes rouées.

t. De officiis, III, 21. .

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