Page:Corneille Théâtre Hémon tome2.djvu/267

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ACTE I, SCENE IH S3

(e leur fais des tableaux de ces tristes batailles

Dû Rome par ses mains déchirait ses entrailles,

3ù l'aigle abattait l'aiprlc, et de chaque côté

Nos légions s'armaient contre leur liberté ; 180

Où les meilleurs soldats et les chefs les plus brave»

Mettaient toute leur gloire à devenir esclaves;

Où, pour mieux assurer la honte de leurs fers.

Fous voulaient à leur chaîne attacher l'univers,

Et, l'exécrable honneur de lui donner un maître 185

Faisant aimer à tous l'infâme nom de traître,

Romains contre Romains, parents contre parents,

Combattaient seulement pour le choix des tyrans.

J'ajoute â ces tableaux la peinture elfroyable De leur concorde impie, affreuse, inexorable, • 190

178. Dans tout ce passage, Corneille se souvient de Lucain, qu'il admirait tant, et à qui il emprunte plusieurs traits, mais en ajoutant à leur énergie. Il suffit de citer le début de la Pharsale pour que l'originalité de cette imitation éclate à tous les yeux :

Bella par Emathios clos qnam civiUa campes Jusque dataoi seelen canimus, popnlmn([ae potentem In sua victriei coaversum viseera dextra, Cognatasi[ne acie*.... infestisque obvia fisain Signa, pares aqnilas, et pila minantia pilis.

Quand Louis Racine, jaloux de défendre la poésie française contre les parti- •ans outrés de l'antiquité, voulut caractériser le génie de Corneille, c'ei»* de et passage qu'il se souvint :

Mais quoi! le fer brille à ma vue. Et de morts les champs sont conrertfi L'aigle par l'aigle est abattue . On comoat pour choisir ses fers; Rome déchire ses entrailles : Oaels meurtres, que de funérailles! Paix sanglante, ouvrage d horreur! Que de cris percent mon oreille! Plein d'effroi, j'admire Corneille, Et je me plais dans ma terreur.

180, i< Infensa libertati arma. (Tacite)

181. Yar. Où le but des soldats et des chefs les pins braTflib

C'était d'être vainquer. s pour devenir esclaves. Où chacun trahissait, aux yeux de l'univers, Poi-m^me et son pays, pour assurer ?e« fer». Et tâchant d'acquérir avec le nom de traître L'abominable honneur de lui donner un maître. (1643-B6)

188. • Lorsque les légions passèrent les Alpes et la mer, les gens de guerr% i[u'on était obligé de laisser pendant plusieurs campagnes dans les pays qu'on soumettait, perdirent peu à peu l'esprit de citoyen: et les généraux, qui dispo- sèrent des armées et des royaumes, sentirent leur force et ne purent plus obéir. Les soldats commencèrent donc à ne reconnaître que leur général, à fonder sur lui foutes leurs espérances, et à voir de plus loin la ville. Ce ne furent plus les Foldats de la Képublique, maii de Sylla, de Marius, de Pompée, de César. » (Montesquieu, cb. ix.)

190. Rerum concordia discors. (Horace.)

Cette accumulation d'épithètes, peu habituelle chez Corneille, est aaturelle ici, dans la harangue enflammée, un peu déclamatoire, de Ciana.

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