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84 CINNA

Funeste aux gens de bien, aux riches, au sénat,

Et, pour tout dire enfin, de leur triumvirat.

Mais je ne trouve point de couleurs assez noires

Pour en représenter les tragiques histoires.

Je les peins dans le meurtre à l'envi triomphants, i95

Rome entière noyée au sang de ses enfants,

Les uns assassinés dans les places publiques.

Les autres dans le sein de leurs dieux domestiques;

Le méchant par le prix au crime encouragé,

Le mari par sa femme en son lit égorgé , 20C

Le fils tout dégouttant du meurtre de son père,

Et, sa tête à la main, demandant son salaire,

Sans pouvoir exprimer par tant d'horribles traits

193. Dans le Discours sur le style, Buffon recommande à l'écrivain de don- ner « de la couleur » à ses pensées. 11 faut avouer, — si c'est par là qu'on juge le mérite d"un discours, — que Cinna est un bon orateur et un bon peintre, dont le seul défaut est de pousser un peu trop au noir ses tableaux. Remarquez tous ces mots empruntés au langage d'un même art : tableaux, peintures, couleurs, traits, crayons.

195. Triomphants ^s\ ici une sorte d'adjectif verbal; d'ailleurs, les participes prisents étaient Variables au xvn" siècle. Voyez la Grammaire de M. Chassang, p. 375.

196. Le même tour et presque les mêmes termes se retrouvent au v. 1136. A est alors très souvent employé pour dans, même en prose : « J'ai été nourri aux lettres des mon enfance. » {Descartes, Discours de la méthode, I.) Racine a dit moins énergiquement :

Noyons-le dans son sang justement répandu.

198. Les dieux domestiques sont les pénates, et par conséquent la maison, dont Us sont les hôtes tutéiaires.

201. M. Marty-Laveauï prouve, en citant des vers presque identiques de Gar- nier, que c'étaient là des lieux communs de la poésie dramatique.

202. « Dufresne employa un jour une petite adresse qui produisit un grand effet. En commençant ce récit, il cacha derrière lui une de ses mains dans la- quelle il tenait son casque surmonté d'un panache rouge, et. lorsqu'il fut arrivé à ces vers, il montra subitement le casque et le panaclie rouge, et, ves agitant vivement, il sembla présenter aux spectateurs la tète et la chevelure sanglante dont il est question dans les vers de Corneille. Les spectateurs furent saisis de terreur. » (Lemazurier, Galerie historique des acteurs du Théâtre français.) Ce jeu de scène nous parait d'un goût contestable; en tout cas, comme l'observe Lemazurier, il est de ceux qui ne peuvent être répétés. Au reste, le casque ou 1» chapeau orné de plumes gigantesques était de rigueur dans les sujets classiques ; l'acteur Genest met, dans le Saint-Genest de Rotrou, « le chapeau à la main » pour prier Dieu.

203. « Peinture énergique des sanglantes proscriptions lu triumvirat, cet effrayant tableau met dans le parti de Cinna les spectateurs, qui ne voient dans son entreprise que le dessein toujours imposant de rendre la liberté à Rome et de punir un tyrau qui a été barbare. « (La Harpe.) — Exprimer, sens du latin exprimere, représenter, reproduire, mettre en relief. Corneille a dit dans la pré- face de Clitandre : « L'antiquité nous parle de l'écume d'un cheval qu'une éponge jetée par dépit sur un taljlcau exprima parfaitement. » Ici, faire ressor- tir avec énergie; le sens du mot s'est affaibli depuis. — Sans... que, pour : •ans pouvoir exprimer autre chose que, autre chose sinon.

Sans (ODger qu'à me plaire, «xécutez <nei ici*. (Pertharite, U, t.)

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