Page:Corneille Théâtre Hémon tome2.djvu/288

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Dans le champ du public largement ils moissonnent,
Assurés que chacun leur pardonne aisément,
Espérant à son tour un pareil traitement. 620
Le pire des Etats, c’est l'Etat populaire.

AUGUSTE.

Et toutefois le seul qui dans Rome peut plaire.
Cette haine des rois que depuis cinq cents ans
Avec le premier lait sucent tous ses enfants,
Pour l’arracher des cœurs, est trop enracinée. 525

MAXIME.

Oui, Seigneur, dans son mal Rome est trop obstinée;
Son peuple, qui s’y plaît, en fuit la guérison ;
Sa coutume l’emporte, et non pas la raison.
Et cette vieille erreur, que Cinna veut abattre,
Est une heureuse erreur dont il est idolâtre, 530
Par qui le monde entier, asservi sous ses lois,
L’a vu cent fois marcher sur la tête des rois,

518. Var. Dedans le champ d’antrni largement ils moissonnent, (16I3-S6.)

Mégabyse, chez Hérodote, exprime la même idée avec une épale énergie, et compare la foule qm se rue sur les affaires publiques ;i un torrent d’hiver dé- vastateur. — Lfi champ du public, r"est le domaine de l’Etat : public, respublica, a très souvent ce sens au xvii’ siècle. Au vers précédent, ordonner de a le sens dé disposer de :

Le temps de chaqnfi chose ordonne et fait le prix. {Pompée, I, m.)

521. u Tous les érrivnin« politiques ont délavé ces pensées : aucun a-t-il approché de la force, de la prof ruicui. de la uiiltelé de la précision de ces discourt de (linna et de Maxime? ■> (Voltaire) — « Bos»uct, dans son Cinquième Avertissement aux protostanls. a dit, presque dans les mêmes termes : « L’Etat populaire, le pire de tous ». et Cyrano de Bergerac, dans sa Lettre contre les Frondeurs • a Le gouvernement populaire est le pire fléau dont Dieu afflige un Etat, quand il le veut châtier» (Édition Régnier.) Bien avant eux, le Mégabyse d’Hérodote s’écriait : « ’O[xt),0’j aypcj-’o-j ojôàv èffTt aauvETtÛTepov ouSè ûêpia- TÔTspov. » (III. 81)

5;!5. Pour Varracht:r: on dirait, aujourd’hui, avec plus de correction, mais aussi a\ec moins de vivacité et de brièveté • pour qu’on puisse l’arracher. — Ici encore, Corneille se souvient de fJion Cassius, qui fait dire à Agrippa, défenseur ennuyeux et diffus de la république : « A-j(J"/£pÈc "yôp ecTt xv TtôXlv xaÛTYlV, TOffO’jTot; exEff’ SeSr-jPLOv.paTYjfxÉvYjv. ôo’j/tûaai xiv’ thùr^alx^. »

528. La construction de ce vers est remarquable. Les écrivains modernes supprimeraient pas.

S3i. Var. Par qui le monde entier, rangé detsons ses lois. (1643-66.) Corneille a corrigé dessous, mais a laissé subsister qui se rapportant à un nom de chose, comme aux v. 743, 1G72 et 1700. Cet emploi de qm, familier à Molière aussi bien qu’à Corneille, a été condamné par Vangclas et n’est plus autorisé par les grammairiens. Voyez la Gramm.iire .’ç ,V1 Cha>sang, p. 204-95.

532. Voyez sur quel ton de fierté répuLilicaine, dans Pompée (III, 3), César parle à Ptolémée des rois dépendants de Rome. Masime est aussi fier, et peut-être plus convaincu. Oubliant les concessions qu’il vient de faire aux nécessités de sa «ituation vis-à-vis d’Auguste, il exalte « 1 lnurcuse erreur » qui, tout à l’heure, était un « mal n, et dont il ne craint pas maintenant d’égaler les bienfaits k ceus de Ik meilleure des monarchies.

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