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ACTE CINOUIBIE

��SCENE I. AUGUSTE, CINNA

AUGUSTE.

Prends un siège, Cinna, prends, et sur toute chose 1425

Observe exactement la loi que je t'impose :

Prêle, sans me troubler, l'oreille à mes discours;

D'aucun mot, d'aucun cri n'en interromps le cours;

Tiens ta langue captive, et, si ce grand silence

A ton émotion fait quelque violence, 4430

Tu pourras me répondre après tout à loisir :

Sur ce point seulement contente mon désir.

CINNA.

Je vous obéirai. Seigneur.

AUGUSTE,

Qu'il te souvienne De garder ta parole, et je tiendrai la mienne

1425. « Toute cette scène estde Sénèque le philosophe. Par quel prodige do l'art Corneille a-t-il surpassé Sénèque, comme, dans les fforace.i, il a été plus nerveux que Tite-Live ? C'est là le privilège de la belle poésie. » (Voltaire.) — Sur toute chose, par-dessus, plus que toute chose, c'est-à-dire surtout.

1428. De, par; nous en avons vu plusieurs exemples.

1431. « Quum alteram poni Cinnae cathedram jussisset : Hoc, inquit, primum a te peto, ne me loquentem interpelles, ne medio sermone meo proclames ; dabilur tibi loquendi lioerum tempus. » (Sénèque.) Un acteur célèbre de la fin du xTiii' siècle, Monvel, a, le premier, compris, si nous en croyons la tradition, qu'au début de cette scène le ton d'Auguste est tout autre qu'à la scène i de l'acte II. L'empereur ne demande plus de conseils à un ami ; c'est un ennemi

3u'il veut confondre. Il ne sait encore s'il se vengera, mais il sait qu'il a 1«  roit et le pouvoir de se venger ; par suite, sa voix doit être âpre et saccadée, non plus solennelle et paisible. Vanvenargues ne nous paraît donc pas avoir bien saisi le caractère de ce début, lorsqu'il s'en empare pour humilier, selon son habitude. Corneille devant Racine : « Que dirai-je de la pesanteur que Corneille donne quelquefois aux grands hommes? Auguste, en parlant à Cinna, fait d'abord un exorde de rhéteur. Remarquez que je prends l'exemple de tous ses défauts dans les scènes Jea plus admirables : Prends un siège, Cinna, etc. De combien la simplicité d'Agrippine, dans Britannicus, est-elle plus noble et plus naturelle : Approchez-vous, Néron.» C'est oublier d'ailleurs que la situation n'est pas la même ; Agrippine parle à son fils tout-puissant, et son réquisitoire ed doublé d'un plaidoyer personnel.

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