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rible de ta foudre? Tout ceia, on n'en peut plus doa'fti-, n'est que bagatelle, fumée poétique, vain tapage de . iïicls. Ton arme si vantée, qui frappe de loin, toujours sous ta main, elle s'est refroidie, elle s'est éteinte, on ne sait oorMtient, et n'a pas gardé la moindre étincelle de colère contre les méchants, A Tliomme sur le point de se parjurer la mèche d'une lampe de la veille ferait plus de peur que la flamme de cette foudre irrésistible. II semble que tu ne lances qu'un vieux tison dont ni le feu ni la fumée ne sont à craindre et dont l'unique effet est de vous couvrir de suie *. » El c'est le même Lucien qui accuse les chrétiens de folie, parce qu'ils ont rejeté bien loin ces fables décrépites! C'est ce sceptique qui traite ces croyants avec une sorte de com- passion, qui écrit : u Ces malheureux se figurent qu'ils sont immortels et qu'ils vivront éternellement. De là vient qu'ils méprisent la mort et se livrent volontairement au supplice. Leur premier législateur leur a fait croire encore qu'ils sont tous frères une fois qu'ils ont chang'é de culte, qu'ils ont renié les dieux de la Grèce, qu'ils adorent le sophiste cru- cifié et vivent sous ses lois*. « "Vaines épigrammes! Les meilleurs complices des chrétiens, c'étaient précisément ces railleurs, dont Tertullien, avec un plaisir secrel, signalait l'audace toujours croissante. « Quinimo et deos vestros palam cZ siruunl, et super dilxonesvestr as commcntariis quoqiie accusant, laudantibus vobis^. >> Ainsi pris entre la haine passionnée des uns et la moqueuse indifférence des autres, le paganisme était d'avance condamné à mort, car la seule foi qui sauve, c'est la foi qui agit, et il est telle circonstance où juger une cause, c'est la trahir.

Félix ne comprend-il pas mieux les intérêts de la religion dont il est le défenseur officiel? Il est trop certain qu'il songé aux siens avant tout. Mais ce fonctionnaire médiocre, ce pré- fet servile ne sent-il pas confusément le danger politique des témérités chrétiennes? N'est-ce pas « aux lois » qu'il aban- donne Polyeucle? Ce sacrilège ne lui apparaît-il pas comme un « crime d'État »? Et lorsque Pauline l'implore en faveur de son mari, ne lui répond-il pas :

Tous chrétiens sont rebelles *?

Admirons, avec Corneille, la sublime rébellion de Polyeucte,

1. Lucien, Timon ou le Misanthrope, i.

2. Lucien, Va Mort de Pérégrinus, extrait i^a Moraliste* sous Vempirinmain, do M. M.iriha.

3. Tertuliien, Apologétique,

4. Polyeucte, III. 3.

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