Page:Corneille Théâtre Hémon tome2.djvu/397

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

INTRODUCTION 33

clairs ou plus corrects, et enfin en quelques suppressions dans le rôlQ de Félix *. « C'était assez, c'était trop. Par bonheur, le Polyeucte qu'on jouait au théâtre et qu'on

fjoue encore, ce n'était pas celui d'Audibert, Delisle et ronchin, ni même d'Andrieux, c'était celui de Corneille. Le génie de Talma l'y soutenait, le génie de M"« Rachel l'y rajeunit pour longtemps. C'est vers 1840 qu'elle débuta dans le rôle de Pauline sur la scène du Théâtre-Français; la veille du jour ofielle en a disparu, 'elle le jouait encore,* après s'y être montrée soixante fois : « Avec quelle ardeur, dit M. Jules Janin, elle était tour à tour la femme obéissante à son mari, la fille qui résiste à son père, et cette Pauline adorable, à l'aise même avec Sévère qu'elle aime et dont elle est aimée, et qu'elle revoit après un an d'absence, comme si elle l'avait vu la veille! Elle était surtout la Pauline de Corneille en tout ce quatrième acte admirable et rempli des émotions lesplus touchantes, et comme enfin elle disait jusqu'aux nues ce grand cri : « Je vois ! je crois! » En ce moment solennel, tout brillait, tout parlait, tout brûlait en cette personne héroïque; elle avait dix coudées, elle était immortelle. » Cet enthousiasme un peu lyrique ne surprendra aucun de ceuz qui ont gardé le lointain souvenir de M"e Rachel, car ils rapportent que, la première, elle joua ce rôle, non plus en première amoureuse, mais en néophyte chrétienne ^. Ils ajoutent pourtant qu'au- près d'elle Beauvallet, dans le rôle de Polyeucte, ne semblait pas effacé, bien que son talent fût moindre. Comment s'en étonner? Dès que la tragédie reprenait son vrai sens, c'est Polyeucte qui, sans effort, en devenait le héros.

Aussi est-ce encore Polyeucte qui a donné son nom au bel opéra de M. Gounod (1878, paroles de MM. J. Barbier et Carré), comme il l'avait donné au Poliuto de Donizetti et Cammarano, remanié et représenté à Paris en 1840 sous le titre des Martyrs, opéra en quatre actes. Faut-il croire que les tragédies aient leurs destinées? Les mêmes critiques qui avaient assailli le Polyeucte de Corneille à son origine assail- lirent le Poliuto. Seulement, Donizetti avait affaire au roi de Naples, qui interdit formellement de mettre la religion sur la scène. En vain l'on essaya de déguiser sous ce titre, les Guêbres, la malencontreuse tragédie, l'interdiction fut renou- velée, et le célèbre chanteur Nourrit, qui devait créer le rôle principal, pris d'un accès de désespoir, se suicida^. C'est

��1. Œuvres, t. III. Avertissement des Changementt pour Polyeucte, %. Horion, Explication du théâtre classique. \ Picot, Bibliographie cornélienne.

�� �