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INTRODUCTION 39

dans le troisième, il le fait; il y persiste, dans le quatrième, et, dans le cinquième, il en est puni, ou plutôt récompensé par le martyre. Mais l'acte de la crise, l'acte vraiment dra- matique et qui donne la clef de ce caractère, c'est le qua- trième, où le sacrifice se consomme. ;j Pour mieux faire ressortir ces douloureuses incertitudes de Polyeucte, Corneille a pris soin, dès la première scène du premier acte, de l'opposer à Néarque, ce stoïcien du christia- nisme, qui enseigne et pratique le renoncement à toutes les affections humaines. Chrétien de longue date, d'une foi plus apaisée, mais aussi plus ferme et plus inexorable, Néarque porte une main brutale sur les tendres scrupules de cette âme encore frémissante, qui ne voudrait se donner à Dieu ^u'à demi. Propager la foi chrétienne, soit dans l'ombre, soit au grand jour des supplices, c'est Tunique souci de cet apôtre : tout est méprisable à ses yeux des pensées qui n'ont pas pour objet le ciel. Aussi, de quel œil de pitié considère-t-il ce disciple au cœur faible, qui se laisse attendrir par les

g leurs d'une femme! Vienne la grâce pourtant, compagne du aptême, et le maître, à son tour, aura besoin d'être entraîné f»ar le disciple, et la bouillante ardeur du néophyte étonnera 8 catéchiste plus froid, résolu à mourir, s'il le faut, mais désireux de ménager sa vie, parce qu'elle importe au triomphe de sa foi. Cette opposition de l'ancien et du nouveau chré- tien n'est pas seulement d'une exactitude historique admi- rable, elle est alissi dramatique au suprême degré, car Néarque est là pour nous permettre de mesurer le chemin qu'a parcouru Polyeucte, et d'assister en quelque sorte à la progression de la grâce dans ceUe âme d'abord indécise, puis enflammée soudain.

La grâce pourtant suffit-elle à faire de Polyeucte un illu- miné, désormais insensible à tout? Mais au moment même où, sortant du baptême, il va faire part à Néarque de son projet, il ne trouve pas d'éloges assez chaleureux pour glori- fier les vertus de Pauline, si douces à son cœur» amoureux' », Plus tard, quand il n'a plus à dissimuler, quand, dans la prison, la visite de Pauline lui est annoncée, n'est-il pas saisi d'une émotion profonde? n'a-t-il point peur de voir couler ces belles larmes qui tant de fois déjà l'ont troublé? ne sent-il pas le besoin d'invoquer contre « un si fort en- nemi » le secours de Dieu et celui de Néarque qui l'a précédé dans la mort? Ces stances du qualiième acte ne sont-elles qu'un beau morceau lyrique, et n'y entendons-nous point le

I. Acte II, «ce

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