Page:Corneille Théâtre Hémon tome2.djvu/411

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INTRODUCTION « 

tence qu'elle va disputer au bourreau? On peut l'affirmer : à mesure que le péril de Polyeucte grandit, grandit aussi l'amour de Paidine. Ce n'est point pour la forme qu'elle lente la démarche suprême de la prison ; dans ses prières, dans ses reproches, elle met toule son âme. Il est vrai que, femme de lête autant que de cœur, Pauline raisonne et plaide d'abord; mais, quand tous ses arguments ont échoué, quelle explosion de tendresse sincère !

Je ne te parle point de l'état déplorable

Où ta mort va laisser ta veuve inconsolable *.

Non, elle ne plaide pas alors : c'est le cœur qui parle seul, et Polyeucte le sent bien, car, pour la première fois, il est ébranlé. Non, elle ne ment pas lorsqu'elle dit que Polyeucte, en la quittant, la fait « mourir )>,pas plus qu'elle ne mentira tout à l'heure lorsqu'elle s'attachera aux pas du martyr et lui criera:

Je te suivrai partout, et mourrai si tu meurs 2.

Elle est vaincue, il est vrai, et sort désespérée, mais conquise; les scènes qui suivent le prouvent jusqu'à l'évidence. Si elle" n'avait voulu qu'acconiplir son devoir d'honnête femme, est-ce qu'elle n'y avait pas pleinement satisfait? Est-ce que désor- mais, pour parler comme l'auteur du Cid, quitte envers son devoir et quitte envers son mari, elle n'aurait pas le droit d'accepter sans remords le bonheur que ce mari même lui oiïre, lui impose, en l'unissant à Sévère? Mais ce n'est plus le bonheur à ses yeux; elle le fait comprendre à Sévère d'un seul mot, d'un de ces mots décisifs qui éclairent toute une situation :

Mon Polyeucte touche à son heure dernière 3,

Et c'est Sévère qu elle supplie de lui conserver « ce qu'elle a de plus cher », et elle le lui demande au nom d'un amour dont elle n'a plus que le souvenir : « L'amour que j'eus pour vous!» C'est que la lumière s'est faile pour elle: entre les tendres protestations de Sévère et les exhortations impératives de Polyeucte, son choix est fait : son cœur s'est « donné, _>♦ comme elle le dira plus tard à Polyeucte dans cette admi- rable et dernière supplication :

Ne désespère pas une âme dui t'adore*.

i. Acte IV, se. 3.

2. Acte V, se. 3.

3. Acte IV, se. 5,

4. Acte V, se, 3.

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