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ABRÉGÉ DU MARTYRE 57

plutôt Mosander*, qui l'a augmenté dans les dernières impres- sions, en rapporte la mort assez au long sur le neuvième de janvier; et j'ai cru qu'il était de mon devoir d'en mettre ici l'abrégé. Comme il a été à propos d'en rendre la représenta- tion agréable, afin que le plaisir pût insinuer plus douce- ment l'utilité, et lui servir comme de véhicule pour la porter dans l'âme du peuple, il est juste aussi de lui donner celte lumière pour démêler la vérité d'avec ses ornements, et lui faire reconnaître ce qui doit lui imprimer du respect comme saint et ce qui le doit seulement divertir comme industrieux. Voici donc ce que ce dernier nous apprend :

Polyeucte et Néarque étaient deux cavaliers* étroitement liés ensemble d'amitié ; ils vivaient en l'an 250, sous l'empire de Décius; leur demeure était dans Mélitène, capitale d'Ar- ménie; leur religion différente, Néarque étant chrétien et Polyeucte suivant encore la secte des gentils, mais ayant toutes les qualités dignes d'un chrétien et une grande incli- nation à le devenir. L'empereur ayant fait publier un édit très rigoureux contre les chrétiens, cette publication donna un grand trouble à Néarque, non pour la crainte des sup- plices dont il était menacé, mais pour l'appréhension qu'il eut que leur amitié ne soutlrît quelque séparation ou refroi- dissement de cet édit, vu les peines qui y étaient proposées à ceux de sa religion et les honneurs promis à ceux du parti contraire ; il en conçut un si profond déplaisir que son ami s'en aperçut; et l'ayant obligé de lui en dire la cause, il prit de là occasion de lui ouvrir son cœur:« Ne craignez point, lui dit-il, que l'édit de l'empereur nous désunisse ; j'ai vu cette nuit le Christ que vous adorez; il m'a dépouillé d'une robe sale pour me revêtir d'une autre toute lumineuse, et m'a fait monter sur un cheval ailé pour le suivre : cette vision m'a résolu à faire ce qu'il y a longtemps que je médite : le seul nom de chrétien me manque ; et vous-même, toutes les fois que vous m'avez parlé de votre grand Messie, vous avez pu remarquer que je vous ai toujours écouté avec res- pect; et quand vous m'avez lu sa vie et ses enseignements, j'ai toujours admiré la sainteté de ses actions et de ses dis- cours. Néarque 1 si je ne me croyais pas indigne d'aller à lui sans être initié de ses mystères et avoir reçu la grâce de ses sacrements, que vous verriez éclater l'ardeur que j'ai de mourir pour sa gloire et le soutien de ses éternelles véri- tés I » Néarque l'ayant éclairci du scrupule où il était par

1. Sur ces hagiographes, voyez la premiefe partie d&rintrodueiioB. t. Voyez la note du r. 170.

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