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100 POLYEUCTE

Faites voir des défauts qui puissent à leur tour Affaiblir ma douleur avecque mon amour.

PAULINE.

Hélas! cette vertu, quoique enfin invincible,

Ne laisse que trop voir une âme trop sensible.

Ces pleurs en sont témoins, et ces lâches soupirs 53S

Qu'arrachent de nos feux les cruels souvenirs :

Trop rigoureux effets d'une aimable présence

Contre qui mon devoir a trop peu de défense!

Mais, si vous estimez ce vertueux devoir,

Conservez-m'en la gloire et cessez de me voir. 540

Epargnez-moi des pleurs qui coulent à ma honte;

Epargnez-moi des feux qu'à regret je surmonte;

Enfin épargnez-moi ces tristes entretiens,

Qui ne font qu'irriter vos tourments et les miens.

532. Avecque, forme alors usitée d'avec :

Après ne me réponds qn'avecque cette épée. {Cid, III, 6.) J'ai souffert cet outrage ai'ccîue patience. [lioilogune, 1795.)

Molière, Boileau, Racine même, du moins dans ses premières pièces, ont éfrit avecque en certains cas. Selon Ménage, avecque doit précéder les mots com- mençant par une consonne ; Vaugelas distingue entre ces mots, mais est d'avis qu'on doit écrire avec devant une voyelle. Corneille, fait remarquer M. Marty- Laveaux, en supprimant avecque dans presque tous les passages où il l'avait d'abord mis, a contribué plus que tout autre à faire abandonner cette forme; à partir de 1C50, il n'écrit plus qu'auec. Pourtant M. Littré croit que la forme avecque pourrait être encore employée en poésie.

535. M. G éruzez rappelle ces vers de Racine où témoin est pris aussi dans la ■ans de preuve :

Songez combien de fois vous m'avez repropti6

Un silence témoin de mou amour cache. {Dajazct, V, 4,)

Dans ses Mémoires, M"" Clairon dit qu'elle s'efforçait à mettre une différence sensible aux yeux entre les deux amours qui partagent le cœur de Pauline : les larmes que lui arracbait la présence de Sévère coulaient en abondance du fond de l'âme : celles qu'elle versait pour Polyeucte sautaient de ses yeux, poussées tantôt par l'humanité, tantôt car l'impatience. A cet endroit de la pièce elle avait raison ; plus tard elle avait tort.

544. Irriter, au figuré, accroître ; voyez la note du v. 630. Il est probable que Racine se souvient de ces paroles de Pauline, lorsqu'il fait dire par sa Mouima à Xipbarès :

Enfin, je me connais, il y va de ma vie :

De mes faibles efforts ma vertu se défie.

Je sais qu'en vous voyant ud tendre souvenir

Peut m'airaeher du coeur quelque indigne soupir

Que je verrai mon âme en secret déchirée

Revoler vers le bien dont je suis séparée;

Mais je sais bien aussi que s'il dépend de vous

I)e me faire chérir un souvenir si doux.

Vous n'empêcherez pas que ma gloire offensée

N'en punisse aussitôt la coupable pensée.

Que ma main dans mon cœur ne vous aille cherchtr

Pour y laver ma honte et vous en arracher.

Que cUs-je? en ue moment, le dernier qui nous rest^

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