Page:Corneille Théâtre Hémon tome2.djvu/48

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

82 HORACE

remmenl les Horaces ou Horace. Mais Corneille écrit Horace, et ce titre, qu'une telle autorité recommande, est presque universellement adopté aujourd'hui.

Ce n'est pas là uu délai! si futile qu'on serait tenté de le croire. Au fond ii s'agit de savoir si la pièce a un héros unique, et quel est ce héros. Ya-t-ii, non seulement duplicité d'action, mais duplicité d'intérêt? et serait-il vrai que le vieil Horace est le héros des deux derniers actes, comme le jeune Horace est le héros des trois premiers? Là seulement est la question : car on n'a point à se demander ici, après Voltaire, si le sujet même de la pièce est hicn ou mal choisi. Quel sujet sera donc tragique si celui dllorace ne l'est pas? H faut bien qu'il le soit, puisque Corneille en a lire une admirable tragédie. Aucun, d'ailleurs, ne pouvait lui sourire d'avantage; car aucun ne se prêtait mieux à ces oppositions d'idées générales et abstraites, personnifiées en des caractères presque symétriquement anti- thétiques.

Que représentent les Horaces et les Curiaces, sinon trois nuances difTércntcs d'un même sentiment, l'amour de la pa- trie, ici étioit cl abso'i], là plus attendri et plus humain? et pourquoi Camille est-elle frappée, sinon parce qu'elle est la passion en révolle contre le devoir?

Ces personnages en qui s'incarnent les idées se meuvent dans un cadre un peu abstrait roinme eux. Avec quel soin le poète repousse tous les delà ils matériels qui pourraient distraire l'esprit du spectacle idéal qu'il lui propose! Partout des récits, des monologues, dos analyses morales. Schlegel a pu dire, non sans raison, que la pièce entière était une allusion à des faits que l'on no voit pas. Kt pourquoi les verrait-on? Cène sont point les faits que Corneille et ses contemporains ont voulu peindre, c'est l'imi rossion produite par ces faits sur l'âme des personnages. Dos lors, comment lui en vouloir d'avoir, au V'^ acte, ellacé le [>ouplc, témoin et acteur du procès dans Tite-Live? comment lui reprocher, avec le même Schlegel, d'avoir « représenté inlra j^'ivatos parietes un événement pu- blic? »

Que le procès se déroule, avec plus ou moins de solen- nité et de publicité, sur la place publique ou dans la maison du vieil Horace, pou importe au poète : sa tâche se borne à mettre aux pris s des sentiments opposés et à s'efforcer de les concilier sans invraisemblance. Pour y arriver, il n'est pas de convention, pas de fiction qu'il ne soit disposé à accepter; de là, celte rigoureuse unité de lieu qu'il se vante d'avoir maintenue jusqu'au bout, et qui simplifie en effet uij drame dont la mise eu scène se réduisait à ces indication