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ACTE III, SCÈNE V 181

J'en ai de violents, j'en ai de pitoyables ; 1010

J'en ai de généreux qui n'oseraient agir,

J'en ai même de bas et qui me font rougir.

J'aime ce malheureux que j'ai choisi pour gendre,

Je hais l'aveugle erreur qui le vient de surprendre;

Je déplore sa perle, et, le voulant sauver, 1015

J'ai la gloire des dieux ensemble à conserver;

Je redoute leur foudre, et celui de Décie ;

Il y va de ma charge, il y va de ma vie.

Ainsi tantôt pour lui je m'expose au trépas,

Et tantôt je le perds pour ne me perdre pas. 1020

ALBIN.

Décie excusera l'amitié d'un beau-père ;

Et d'ailleurs, Polyeucte est d'un sang qu'on révère.

FÉLIX.

A punir les chrétiens son ordre est rigoureux ;

Et plus l'exemple est grand, plus il est dangereux.

On ne distingue point quand l'oifense est publique ; 1025

Et, lorsqu'on dissimule un mme domestique,

Par quelle autorité peut-oi», par quelle loi,

Châtier en autrui ce qu'on souffre chez soi?

ALBIN.

Si vous n'osez avoir d'égard à sa personne,

Ecrivez à Décie, afin qu'il en ordonne. 1030

FÉLIX.

Sévère me perdrait, si j'en usais ainsi :

Sa haine et son pouvoir font mon plus grand souci.

1010. Pitoyable, qu'on n'emploierait plus dans une situation tragique, avait alors le double sens de qui a de la pitié et de qui inspire de la pitié. Comme ici pitoyable fait aniithèse à violents, il est évident que Félix ne veut pas dire : J en ai qui sont dignes de pitié, mais bien : tantôt j'incline vers la vio- lence, tantôt vers la pitié. On disait de quelqu'un qu'il était pitoyable, pour dire qu'il avait la pitié facile, le cœur tendre : « La femme du meunier, pitoyable comme une femme, lui fil dresser un lit et le fit coucher. » (Scarron, lioman comique, II, 26.)

Si le ciel pitoyable eût éconti ma voix,

Albe serait réduile à faire un autre choix. (Horae», 373.)

C'est an ambassadeur et teadre et pitoyable, ([ilicoméde, 940.)

1017. Sur le genre de foudre, voyez la note du v. 713.

1023. A punir, pour punir, latinisme, voyez le v. 370.

1026. Domestique, qui est de la maison, adjectif. Corneille a dit ; « de? pertes domestiques » (Horace, 1715), « un nœud domestique » [Olhon, 881).

1029. Soplioole, dit M. Gidel, fait dire à peu près la même chose A Créoo dans Antiçont :

....El yàp Sr) xdc y' èyyevrj «pûcret "Axoijjjia 6pé<{'to, xapia Toùç ^|w y^vou;.

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