464 POLYEUCTE
Portez à vos païens, portez à vos idoles
Le sucre empoisonné que sèment vos paroles.
Un chrétien ne craint rien, ne dissimule rien;
Aux yeux de tout le monde il est toujours chrétien. 1550
FÉLIX.
îe zèle de ta foi ne sert qu'à te séduire,
& tu cours à la mort plutôt que de m'instruire.
POLYEUCTE.
/e vous en parlerais ici hors de saison;
£lle est un don du ciel, et non de la raison;
Et c'est laque bientôt, voyant Dieu face à face, 1555
Plus aisément pour vous j'obtiendrai cette grâce.
FÉLIX.
Ta perte cependant me va désespérer.
POLYEUCTE.
Vous avez en vos mains de quoi la réparer:
En vous ôtant un gendre, on vous en donne un autre
Dont la condition répond mieux à la vôtre ; 1560
Ma perle n'est pour vous qu'un change avantageux.
FÉLIX.
Cesse de me tenir ce discours oufrageux.
Je t'ai considéré plus que tu ne mérites ;
Mais, malgré ma bonté qui croît plus tu l'irrites,
Cette insolence enfin te rendrait odieux, 1565
Et je me vengerais aussi bien que nos dieux.
POLYEUCTE.
Quoi ! vous changez bientôt d'humeur et de langage ! Le zèle de vos dieux rentre en votre courage !
IBiï. Var. Le sucre empoisonné que versent vos paroles. (1642-1656.)
MM. Marty-Laveauï et Liftré ne citent pas d'autre exemple de sucre pris en ce sens figuré. On dit encore aujourd'hui : c'est tout sucre et tout miel. Le mot est ici très expressif, observe Aimé Martin , parce qu'il fait antithèse à eyyipoisonné.
1553. Ce caractère de la grâce a déjà été défini dans la première scène du premier acte.
1561. Change, changement d'affections, inconstance. « Change pour change- ment ne me déplaît pas en vers. » (Ménage, Observations sur les poésies dt Malherbe.) On dit encore : perdre au change.
Et voas m'ofez ponssnr à la honte du change! [Cid. 1062.)
Quoi ! vous appelez chnnije un crime raisonnable? {Horace, 168.)
J'aime le change, à la bonne heure ! (La Fo.\taise.)
1562. Outrageux, qui fait outrage, se dit des choses comme des personnel Voltaire constate pourtant que ce mot n'est plus usité à son époque, tout en sou- haitant qu'il ne disparaisse pas. Dans son Lexique, M. Godefroy en cite de très nombreux exemples empruntés surtout à Bossuet. Corneille dit non seulement des « propos outrageux » (Veuve, 1817), mais même dans Don S anche (H09), mm « espoir outrageux ».
1568. On a déjà vu courage en ce sens aux >. 170 et 332.
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