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126 POMPEE

Heureuse en mes malheurs, si ce triste hyménée,

Pour le bonheur de Rome, à César m'eût donnée !

Et si j'eusse avec moi porté dans ta maison

D'un astre envenimé l'invincible poison! 1020

Car enfin n'attends pas que j'abaisse ma haine :

Je te l'ai déjà dit, César, je suis Romaine,

Et, quoique ta captive, un cœur comme le mien •

De peur de s'oublier, ne te demande rien.

Ordonne; et sans vouloir qu'il tremble ou s'humilie, 1023

Souviens-toi seulement que je suis Cornélie.

CÉSAR.

d'un illustre époux noble et digne moitié,

'Dont le courage étonne, et le sort fait pitié!

Certes, vos sentiments font assez reconnaître

Qui vous donna la main et qui vous donna l'être; 1030

la mort de Publias Ci'assus, mon premier mari, que les Parthos me tuèrent! et tant j'eusse e?té sage si, comme yen fus en propos, j'eusse abandonné ma vie incontinent après luy, là où je suis demeurée pour porter encore malheur au grand Pompeius. » ( Vie de Pompée, 74.)

1018. O xttinam in îhalamos invisi dxsaris issem

Infelix conjux ci nidli lista marito! (Lucain, VUl. 88-89.)

1020. Au V. 1006, Cornélie s'est déjà demandé sou? quel astre elle a pa naître pour mériter d'être à ce point malheureuse. On sait qiiolle influence favo- rable ou néfa-^te l'astrologie attribuait aux constellations qui présidaient à la vie et à la mort des hommes. Dès lors ces expressions, autrement si étonnantes, le poison d'un astre envenimé, semblent plus naturelles comme dans ces autres vers de Corneille :

De son astre opposé telle est la violence

Qu'il me vole partout, même sans qu'il y pense. {Sertorius, 85.)

1021. Que j'abaisse, que j'apaise ma haine en l'humiliant devant toi.

De moment en moment son âme \Au> liuraiine Abaisse sa colère et rabat de sa haine. {Mcdée, 726.)

1022. « Pourquoi le lui répéter"? parle-t-elle h un autre qu'à un Romain ? » (Voltaire.) « En disant à César qu'elle est Romaine. Cornélie ne veut pas lui dire simplement qu'elle est de Rome; elle veut dire qu'elle a les sentiments d'une Romaine, l'amour de sa patrie et de la liberté, sentiments que César a perdus, et que, pour sa gloire, il aurait dû conserver. » (Palissot.)

1027. Moitié se disait pour fem'ne, même dans le style tragique.

Rends-toi digne du nom de ma chaste moitié. {Horace, 13*9.)

Au V. 1460 oti en verra un autre et remarquable exemple.

1028. Dont, exprimé dans le premier membre de phrase, ne l'est pas dans le second.— On a déjà eu plusieurs occasions de remarquer combien étonner avait perdu de son énergie première.

1030. Donner la main a souvent chez Corneille le sens A'épouser. Cette locu- tion, imitée de l'espagnol darse las manos, a été créée par (jorneille, selon Mé- nage, '< afin de diversifier les mots de mariage, de marier et d'épouser, qui se rencontrent souvent dans les poèmes dramatiques, et qui ne sont pas fort no- bles. » Le vieil Horace dit à sa fille :

Apiés cette victoire il n'est point de Romain

Qui ne soit glorieux de vous ctoiuie?- la main. {Horace, iliij

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