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ACTE V, SCÈNE 1 loi

Versez dans tous les cœurs ce que ressent mon cœur. 1480

Toi qui l'as honoré sur cette infâme rive D'une tlamme pieuse autant comme chétive, Dis-moi, quel bon démon a mis en ton pouvoir De rendre à ce héros ce funèbre devoir?

��Tout couvert de son sang, et plus mort que lui-même, 1485

Après avoir cent fois maudit le diadème,

Madame, j'ai porté mes pas et mes sanglots

Du côté que le vent poussait encor les flots.

Je cours longtemps en vain; mais enfin d'une roche

J'en découvre le tronc vers un sable assez proche, 1490

Où la vague en courroux semblait prendre plaisir

A feindre de le rendre, et puis s'en ressaisir.

Je m'y jette, et l'embrasse, et le pousse au rivage;

Et, ramassant sous lui le débris d'un naufrage,

Je lui dresse un bûcher à la hâte et sans art, 1495

Tel que je pus sur l'heure, et qu'il plut au hasard,

1480. Verses ce que, inspirez à tous mes sentiments. — « Des cendres

?ui versent ce qu'un cœur ressent, ne font pas une image naturelle. » (Voltaire.) 1 faut dire pourtant qu'en s'adi-essant aux cendres de son mari, Cornélie croit parler à son mari lui-même.

14S2. Autant comme, tournure condamnée par Vaugelas et l'Académie, mais que Corneille trouvait commode et i laquelle il n'a pu renoncer. On l'employait, d'ailleurs, en prose aussi bien qu'en vers.

Qu'il fasse autant poar moi comme je fais pour lui. (Pol'jeucte. 912.) Tous les rois ne sont rois qa'autant comme il vous plait. {Xicoméde, 886.) Ce beau feu vous aveugle autant comme il vous briile. {Rodogune, 979.

Sur le mot ckétif, voyez la note du v. 562.

1483. On trouve ces expressions de bon démon et de mauvais démon dans Méraclius, v. l.ooo et 917. Dans son Lexique, M. Goilefroy cite de nombreux exemples de grand démon, dthnon tutélaire, surtout dans Malherbe et Racan. Le démon, c'est le Saiiiojv des Grecs, le Genius des Latins, l'esprit, bo.n ou mauvais, qui préside à la destinée de chaque individu, ou même d'un Etat: « le démon de l'empire » (Pulchérie, 1002). Rotrou emploie très souvent ce mot dont il précise par une épitlvete le sens favorable ou défavorable : c'est ainsi que, dans une ode à Richelieu, il appelle ie cardinal « grand démon de la France ». Voyez notre éditi n de Cinna au v. 434.

1485. Plus mort que lui-même; lui aussi, le fidèle affranchi de Pompée con- nait l'usage de l'hyperbole ; sa douleur sincère y perd en naïveté.

1486 Le diadème, la. royauté, c'est-à-dire la perfidie du roi Ptolomée.

1487. J'ai porté mes pas et mes sanglots; sur cette construction hardie, Toyex la note du v. 1712.

1488. Sur que pour où, voyez la note du t. 1245 et le v. 1S56.

1492. C'est le récit de Théraincne, mais fait par un affranchi qui aurait toutes sortes de bonnes raisons pour ne pas avoir tant d'esprit, surtout en un pareiu moment.

1404. Comme on l'a déjà remarqué à propos du v. 7, débris a souvent, e. début du xvn* Siècle. le sens de restes d'une ruine, d'une défaite, d'un naufragta Ici, il est très rapproché de son sens étymologique, puisqu'il s'agit de fragmenla d'uû narire brisé dans un naufrage.

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