Page:Corneille Théâtre Hémon tome3.djvu/197

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à son fils un petit cours de morale, dont son amour-propre a lieu d’être satisfait.

La comparaison de ces deux scènes, si semblables par certains détails, si différentes par la manière de les mettre en œuvre, suffirait à prouver l’originalité du Menteur. Mais, à côté de l’éloquent Géronte, voici le plaisant Cliton, ce précurseur des valets de Molière; sa verve gauloise, ses naïfs efiare- ments nous amusent. Près de lui, la figure du valet espagnol Tristan paraîtra bien effacée. C’est par don Beltran lui-même que Tristan a été attaché à la personne de Garcia, près de qui il semble remplir un rôle de surveillant autant que de complaisant. S’il lui apporte les mêmes renseignements équivoques sur le compte des belles inconnues, et par là cause la méprise de son maître ; si, déconcerté par tant de mensonges débiles avec tant d’aplomb, il réclame des explications dont l’effet comique est certain; s’il est dupé lui-même par celui dont il se croit l’unique confident, il n’apparaît qu’au second plan ; il n’assiste même pas au récit du faux mariage, et n’a pas à témoigner ensuite l’émotion naïve qui égayé lune des scènes les plus neuves de la pièce française. Tant de mots piquants et passés en proverbe :

La façon de donner vaut mieux que ce qu’on donne... i Les gens que vous tuez se portent assez bien 2, etc.

appartiennent à Corneille et à Corneille seul, comme la ti- rade ironique de Dorante sur le plus sûr moyen de plaire aux dames ^. Et tant de hautes ou fines pensées tiennent dans ce vers que ceux-là seuls croient rebelle qui ne savent pas l’as- souplir, dans cet alexandrin, qui, sous la forte main de Cof- neille, tantôt se prête à l’expression des sentiments les plus virils, tantôt se plie aux légers caprices de l’esprit gaulois. Quel contraste avec le rythme de huit pieds qu’emploient les auteurs dramatiques espagnols, et qui, sautillant, prolixe, monotone, fatigue l’oreille d’un déluge de vers faciles!

Ne craignons donc point d’accorder à l’auteur espagnol la supériorité pour tout ce qui regarde l’intrigue de son drame, nous allions dire de son roman, pourvu qu’on accorde en re- vanche à Corneille la gloire d’avoir surpassé de beaucoup A.larcon par la peinture vivante des caractères et par la verve du style. Quant au détail des ressemblances et des différences

1. Acte I, se. 1.

2. Acte IV, se. n. Voyez pourtant, dans les notes , le vers de Rotrou qui peut avoir iiiciiirp relui de Corneille.

3. Acte I, se. I,

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