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INTRODUCTION 15

faux conquérant l'obligalion de réaliser la fête sur l'eau dé- crite dans le premier acte, et d'y convier lentes celles qu'il avait diffamées \

Ce ne sont là que des indices sans grande importance de la popularité durable du Menteur. Une preuve plus sérieuse de l'intkience profonde que ce Ciel de la comédie exerça sur les esprits au xvn" siècle, ce seraient les paroles de Molière, citées par François de N'eufcliâteau, s'il fallait prendre h. la lettre un témoignage suspect 2; « Oui, mon cher Despréaux, disait Molière à Boileau, je dois beaucoup au Menteur. Lors- qu'il parut, j'avais bien l'envie d'écrire, mais j'étais incertain de ce que j'écrirais, mes idées étaient confuses; cet ouvrage vint les fixer. L*e dialogue me fit voir comment causaient les honnêtes gens ; la grâce et l'esprit de Dorante m'apprirent qu'il fallait toujours choisir un héros de bon ton; le sang- froid avec lequel il débite ses faussetés me montra comment il fallait établir un caractère : la scène où il oublie lui-même le nom supposé qu'il s'est donné (?) m'éclaira sur la bonne plaisanterie, et celle oti il est obligé de se battre par suite de ses mensonges me prouva que toutes les comédies ont besoin d'un but moral. Enfin, sans le Meilleur, j'aurais sans doute fait quelques pièces d'intrigue , VEtourdi, le Bépit amoureux, mais peut-être n'aurais-je jamais fait le Misanthrope. >> — « Embrassez-moi, dit Despréaux, voilà un aveu qui vaut la meilleure comédie. » Voltaire avait déjà dit, avec une assu- rance non moins tranchante : « Ce n'est qu'une traduction, mais c'est proprement à celte traduction que nous devons Molière. » Le Menteur n'a mérité vraiment

Ni cet excès d'honneur, ni cette indignité.

Il est bien plus qu'une traduction, nous l'avons vu; mais Molière n'avait pas besoin de le lire pour être Molière. Fran- çois de Neufcliàleau prête à l'auleur du Misanthrope une mo- destie trop invraisemblable et un souci tout nouveau du « but moral » de la comédie. Il a plus raison de dire que Molière a pu apprendre de Corneille à faire parler les hon- nêtes gens; mais, si quelques œuvres du grand comique ressem- blent au Menteur, ce sont précisément VEtourdi et le Dépit amoureux. 11 est pourtant, dans le théâtre de Molière, une scène de haute comédie, une scène éloquente et grave, qui s'inspire très visiblement de la scène fameuse de l'acte V.

1. Historiettes de Tallemant des Réaux.

2. François de Neufchâteau dit avoir suivi le Bolœana; mais on n'y trouve rien de pareil.

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