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INTRODUCTION i9

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L'ACTION ET LES CARACTÈRES.

C'est un lieu coilimun de prétendre que Corneille avait trop de génie pour avoir de l'esprit. Sur ce point, la plupart des critiques allemands, qui s'y connaissent, et des critiques français sont d'accord : « Corneille, dit Schlegel', avant d'avoir composé des tragédies, s'était fait un nona en rema- niant des comédies espagnoles. La seule de ces pièces qui soit restée au théâtre, c'est le Menteur, imité de Lope de Vega 2, et qui, à mon avis, ne prouve aucun talent comique. Un poète habitué à monter sur des échasses n'a que des mouvements maladroits dans un genre où il ne s'agit que de marcher à fleur de terre, mais avec grâce et légèreté. » Cette théorie n'irait à rien moins qu'à refuser le don du comique à. Shakespeare, à Racine, à tous ceux qui, avant ou après Corneille, ont fait quelques heureuses excursions hors du domaine tragique. Que le ton de la tragédie leur soit plus familier, et que parfois, malgré eux, ils soient tragiques dans ,1a comédie même, cela peut se soutenir, au moins pour Corneille; mais si les récits de Dorante, si les boutades de Cliton n'ont rien que de maladroit, c'est que les Allemands se font une idée particulière de la « légèreté ».

On ne conçoit guère comment un critique très français et très pénétrant, Sainle-Beuve, a pu écrire sévèrement après Schle- gel : « Corneille rentra dans l'imitation espagnole par le Menleur, comédie dont il faut admirer bien moins le comique (Corneille n'y entendait rien) que l'imbroglio, le mouvement et la fantaisie^. » Il est vrai que Sainte-Beuve l'écrivait au début de sa carrière ; plus mûr, il était moins systématique, il reconnaissait bien des nuances dans le génie de ce Corneille qu'on se représente uniformément solennel, mais dont le front savait parfois se dérider. Pour nous, nous prendrions volontiers le contre-pied du mot de Sainte-Beuve, et nous dirions : « Le Menteur est une comédie dont il faut admirer bien moins l'intrigue (Corneille sur ce point reste au-dessous

\ Cours de Ultèraiiire dramatique.

2 Srhlcgel se trompe: te Menteur est, comme on l'a vu plus haut, imité J'Ainr'con. il se trompe aussi lorsqu'il croit que toutes les comédies antérieure» Je Corneille sont tirées de l'espagnol.

3. Portraits littéraires.

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