Page:Corneille Théâtre Hémon tome3.djvu/207

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

INTRODUCTION 21

tante; nous sommes plus séduits qu'émus, et n'avons même pas. pour réveiller notre attention, cet intérêt vivant de l'actualité, qui devait passionner les contemporains ; car dans le Menteur, comme en plusieurs de ses pièces précédentes, Corneille ne dédaigne pas ce genre particulier d'intérêt', et ce succès facile qui naît des allusions. Seulement, ici, nous ne sommes plus transportés, soit dans la Galerie du Palais, soit à la Place Royale; c'est tout Paris, Paris transformé par la main puissante de Richelieu, qui étale à nos yeux ses splendeurs nouvelles : après les Tuileries, la Place' Royale ; à côté du Pré aux Clercs, le Palais Cardinal.

Avouons pourtant que cet intérêt, bien afTaibli pour nous, n'est que secondaire, et demandons-nous quel intérêt plus sérieux le domine. Or, l'intérêt dramatique pouvait naître ici d'une triple source : !<> des mensonges mêmes accumulés par Dorante : 2° de la passion que Dorante éprouve pour Clarice; 3° des mésaventures du menteur et de la leçon morale qui en sort. A'ous n'hésitons pas à le dire, aucune de ces trois sources d'intérêt n'est épuisée par Corneille.

1° Les mensonges. — On a souvent comparé au Menteur de Corneille YEtourdi de Molière. Lélie ne ment-il pas comme Dorante, et, comme lui, ne s'embrouille-t-il pas dans ses mensonges? Mais Lélie est à la fois inférieur à Dorante pour les ressources de l'esprit, et supérieur par le caractère, que ne gâte aucune habitude vicieuse et invétérée. S'il ment, c'est par occasion, presque par nécessité, parce qu'il a besoin du mensonge pour satisfaire sa passion, et aussi parce que Mas- carille l'emporte, bon gré mal gré, dans le tourbillon de sa verve endiablée. Dorante, au contraire, a toute la responsabi- lité de ses inventions fantaisistes; Cliton l'admire et le suit plutôt qu'il ne le conseille et qu'il ne le guide. Les deux pièces, plus remarquables par la gaieté du dialogue que par la rigueur de la composition, sont des comédies « à tiroir », et l'on ne voit point pourquoi la série des étourderies de Lélie ou des mensonges de Dorante s'arrête à tel point précis, au lieu de se prolonger indéfiniment. Mais, du moins, les étour- deries de Lélie ont cet ell'et de le replonger sans cesse dans les embarras d'où Mascarille l'a fait sortir; elles se rattachent donc à l'action par un lien direct, bien qu'un peu lâche. On ne voit pas quel lien rattache à l'intrigue du Menteur certains mensonges tout à fait gratuits. Au fond, il n'y en a que deux, celui du faux mariage et celui de la fausse grossesse, qui n'en soient pas facilement séparables. Ceux du concert sur

i. La Galerie du Palais, la Place Royale, l'Illusion comiqxte.

�� �